De retour après 10 années consacrées à des projets autres (Tycho Brahé, nuage nuage, DIY-note, Collectif Nuuk, Syncamore, Hildeor Tild), Blue Haired Girl sort un nouvel album, Dérive. Adepte d’une mouvance folk/lo-fi/indé/DIY qu’on ne peut que louer, il y présente 8 titres souillés, bricolés, dont la douceur n’a d’égaux que les penchants « dirty » qui le jonchent. Adroits dans le dosage des 2 tendances (The sound of), Didier Loth (guitare, basse), Joseph Roumier (violoncelles, xylophone) et Geoffroy Séré (basse, percussions, chant), quelques guests venant mettre leur grain de sel dans le sucré lo-fi du combo, y sont à leur affaire. Il faut dire qu’ils ne sont plus verts, plurielle est leur activité et d’emblée Explorateurs souffle, du bout des notes, des plans folkindé de la plus belle des matières, chantés avec grâce par Christophe Gay. Le tout est cotonneux mais il gronde, fort d’un arrière-plan polisson. C’est de la belle ouvrage, qui fait rage dans la joliesse. Une amorce, aussi, hautement musicale. On joue, heureux de se retrouver, de partager idées et partitions. Des formes, avec son spoken word imagé, possède lui aussi un pouvoir d’attraction certain. On croirait, par instants, entendre Pascal Bouaziz. L’ornement, encore une fois, est indocile. Et puis c’est beau, seyant comme une vielle veste élimée qui aurait conservé tout son éclat.
Les nancéiens ne font pas du vilain, Dérive les voit garder le cap d’un registre subtil. Philosopher, un brin jazzy, s’abîme dans ses sonorités séduisantes. Entraînant, il m’évoque The Notwist et ce n’est pas l’unique occasion de remembrance, ici, du groupe allemand. Blue Haired Girl renvoie le même savoir-faire, feutré et clair-obscur, le même esprit lo-fi -c’est un peu le maître-mot chez les Lorrains- récurrent.
Le discours est de plus lucide, poétique-ironique (Révolutions sur lequel Timothée Demoury vocalise; magnifique chanson sur lit de cordes, enchanteuse et désenchantée). La ouate des voix (Nénuphar 3), la finesse d’arrangements simples, le groove -parfois faussement- tranquille du rendu en font un disque de premier choix, qu’on cherchera vainement en tête de gondole des magasins aux icônes dégueulassement mainstream. C’est en crèmerie indé, donc vraie, qu’on le dénichera et pour cela, nul ne se ruinera; les tarifs sont aussi attractifs que le son est bon. Moonfall, alerte, dissonne amicalement. Puis On the beach, auquel j’aurais pour ma part glissé un chant songeur, assène la dernière touche…lo-fi à ce Dérive à la fois avenant et espiègle, troussé de main de maîtres par une clique d’artisans musiciens amoureux de l’authentique.