Artiste/performer « bizarro pop » basé au Texas, jouant un théâtre musical de carnaval freaks bizarre, effrayant et drôle, utilisant des masques en carton (le décor est déjà planté; on n’a pas à faire, une fois de plus avec l’écurie Atypeek, à un « rangé »), Attic Ted a enregistré ce Kafka dreaming avec son groupe complet, soit Grady Roper à la guitare, orgue, clarinette, chant, Coby Cardosa à la batterie et Chad A au synthé. Le disque est produit par Paul D Millar (Ariel Pink’s Haunted Graffiti, Slugbug, The MolePeople, Pataphysics) et, coïncidence s’il en est, l’écoute m’évoque « direct » un Ariel Pink qui aurait fricoté avec les Talking Heads. Du décalé donc, loin d’être laid, à l’inventivité aussi aiguisée que le couteau d’un malfrat. Un régal tordu, où voix typée (Stand up (if you want to)), basses jouées à l’orgue Hammond, guitares triturées, Casio et clarinette suintent des bruits qu’un cerveau sain ne concevrait pas. L’Américain est affairé, depuis 2003, sur le plan discographique. On s’en rend vite compte; les 8 étrangetés de son oeuvre happent leur homme, le plongeant sans crier gare dans un univers à aucun moment prévisible dans ce qu’il renvoie.
C’est joliment pop, acidulé comme un Arlequin de chez Lutti, ça fait valser et tournoyer de manière céleste (14 hours). Skip to the lulu, placé en pôle position d’une course sans queue ni tête qu’Attic Ted remportera de toute façon, fait déjà dévier les sons. Attic Ted, mais qu’est -ce que c’eeest??, pourrait-on dire pour plagier un groupe auquel, de façon instante, je pense en m’offrant l’écoute tout aussi obsédante de l’opus. Dont le Come inside incite à pousser la porte, jusqu’alors entre-baillée, d’un monde à la fois dingue et enchanteur.
Avec l’éponyme Kafka dreaming, qui riffe dans son « lo-fiisme » assumé et sert une pop espiègle, vivace, dont les coups de semonce la font reluire et rager, un climat cabaresque se dégage. De cabaret, ou de cirque -il s’agirait alors d’un cirque pensé, imaginatif dans son capharnaüm-, l’atmosphère vicelarde du combo se consomme sans calculer. Soniquement, elle repousse la normalité et se met à errer sans jamais s’avérer inaccessible. Should have, un tantinet funky, racé et déclassé d’un point de vue vocal, nous en met plein le bocal. Attic Ted nous berce « in a deviant way », son organe caresse ou s’acoquine, c’est selon. Derrière, ses compagnons assurent des trames sûres, pas forcément pures, en accord total avec l’esprit véhiculé ici.
Sur Tiké mouv, sorte de rock un brin post-punk, c’est Remain in light, ou Fear of music, qui me viennent à l’esprit. La référence est de choix mais retenons bien qu’Attic Ted, loin d’être un nouveau-né dans ce vaste monde sonore qui est le sien, défriche ses champs. Pas ceux du voisin. Il le fait avec brio, nous imposant un imbroglio stylistique de grand maître. Son O’clock in the morning de lendemain de fête, gentiment enivré, mettant fin à ce Kafka dreaming singulier, simultanément droit et plié, proche du point de rupture avec lequel il joue sans jamais perdre de son assise.