Trio génialement frappadingue, Infecticide s’est déjà fendu de 2 sorties sur Da! Heard it Records/Atypeek Music. Chansons tristes (janvier 2014) et Poil de coeur (février 2016), plutôt bluffants, dévoilant un clash entre « robotisme » à la Kraftwerk, jets cold façon Liaisons Dangereuses ou Mathématiques Modernes et mécanisme synthétique made in Front 242. On n’oublie pas de coller là-dessus des éclats rock bien sentis, griffus, des paroles délirantes mais dotées de sens, une dérision punk et ça nous fait une mixture de génie que retranscrit brillamment le nouvel album: Finger bueno. Bon, en effet, à s’en lécher les doigts et à s’en foutre (l’allusion à leur J’ai envie de sesque est à peine masquée) partout, le disque prend son envol sur Un monde en forme, trompeur de par ses mots (Un monde en forme…de sac à merde), passionnant de par sa trame vocale déshumanisée qui s’en prend…à l’humanité et ses machines dont les boucles, tout au long de cette rondelle aux farandoles folles, font merveille. Sur ce premier titre, riffs acides et rythmes secs s’adjoignent au délire, maîtrisé. Le départ est savoureux, il passe déjà par des chemins de traverse musicaux et grammaticaux qui valent le détour. Retentissent alors les sirènes de La voiture de la police, bourre-pif électro-cold fort lui aussi de paroles à l’irrévérence affichée. Si on ne sait pas qui a mis le feu à la voiture de la police, force est de constater qu’ici, c’est Infecticide qui crache des flammes.
Avec énergie, avec une dérision pas si dérisoire, 8 morceaux nous sont lancés et aucun ne relâche l’étreinte. L’humour est de mise, la captivante froideur des chansons, inspirées et émaillées de sonorités qui nous feront jubiler, force le respect. Ce moment gênant, alerte, illustre superbement le constat. Flux de bruits dérangés, voix glacée et cadence amenant à la danse, il y encore une fois des atouts qui font tout sur l’essai des Français. Et ce n’est que le début.
Dans l’élan, on prend les guitares dures de Clown cherche rire, ses nappes derechef entêtantes, dans les gencives. L’électro indus d’Infecticide fait certes surgir des noms, mais sa nature n’est due qu’au talent des 3 déments, qui avouent ensuite une Envie de sesque sur un ton péremptoire. Synthés en orage, verbe expressif et, comme de coutume, sons de folie tous azimuts créditent cet Infecticide à l’opposé de l’infect sonore. Boule de haine, moquerie…haineuse à l’appui, sur un ton synth-punk bien senti, balance son ressentiment et accroît l’attraction liée à ce Finger bueno délectable, comme l’est le produit réel. C’est d’ailleurs, pour le coup, la saine indigestion, l’overdose sonique sans risques; addictive, la zik d’Infecticide s’écoute, et s’envoie, sans modération et à pleine seringue. C’est la déglingue, née dans un burlingue où on joue au Scrabble, chez ces fauteurs de trouble qu’on suivra jusqu’au terme de leurs méfaits qui font -bel- effet. Jusqu’à l’ivresse, jusqu’à ce que l’Infecticide ait mis à mal toute forme d’infection discographique vomise par le mainstream. La mission est périlleuse -il y en par bateaux et c’est loin d’être du gâteau.
Bon chienchien, disent-ils; tu parles, il ne s’agit pas là d’obtempérer. Voué au décalé, Infecticide ne sera pas recalé. Sur l’effort en question, les claviers tombent par nappes, à la fois froids et vaporeux. C’est un mélange inédit, hauts en couleurs, que nous concocte ces cuistots qui font usage de tout ingrédient avec une putain d’adresse. Le suicide, riffs tranchants aidant, dégaine une rengaine percutante, entre cold-punk et indus martial, qui a pour seul défaut de mettre fin à ce Finger bueno déjà consommé, dégusté avec voracité comme on le fait pour tout opus de haut vol. C’est le cas ici et les « Ouhh », « Aaaawwwhh » des gaillards, qui accompagnent cette conclusion concluante, seront repris par l’auditoire, plongé dans la foire stylistique de doux dingues à l’approche sans égal. Avant de remettre le lecteur en marche au son d’ Un monde en forme, première nuisance d’un opus reluisant et réussi en tous points, tout droit sorti de cerveaux féconds et pas cons. On s’attellera par ailleurs, passé le vif plaisir de l’écoute, à la découverte de leurs travaux antérieurs, d’une trempe elle aussi supérieure.