Maman Küsters, en plus de renvoyer à une référence cinématographique de choix, est un duo brestois « actifissime », qui pratique une EBM qu’on n’écoute pas dans les BM. Gaël Loison (Dale Cooper, Quartet & the Dictaphones) et Cyril Pansal (HF90 et PanMe) le composent et y composent, le second nommé ayant aussi pris part avec son projet HF90 à la réédition du « Mythomane » d’Etienne Daho. Alors que le premier s’affaire actuellement à la sortie d’un projet de musique ambient avec le réalisateur Marc Caro, entre autres affaires courantes toutes rondement menées.
On le constate donc d’emblée, ces 2 là ne tiennent pas les murs mais ils tiennent musicalement la route, celle d’une déviance permanente, d’un verbe tourmenté où Bashung aurait semé de sa folie et de son génie. Sous la peau de Maman Küsters, premier album estampillé Unkown Pleasures Records qui fait suite au EP L’Alpiniste (sorti le 3 mars 2011 chez Black Leather Records), et qui précède Cherche querelle (13 décembre 2019, Music for the Masses), qui en reprend la plupart des titres, mais aussi et surtout un second opus prévu en février 2020, est un régal de références, de sons qui hantent et d’ambiances aussi grisées que grisantes. La dernière maison sur la gauche plante déjà, profondément, « l’étendark » hautement inspiré des Bretons. « Dernière maison sur la gauche, si t’es droitier t’es mal barré », « Second empire de pire en pire »: le phrasé fait mouche, habillé de sons en parfaits compagnons d’embardée. Celle-ci s’annonce sous les meilleurs auspices; Liebe hat keine place une langue allemande dont le ton convient à merveille au registre déployé. Il y a là, largement, de quoi se trémousser sous des lumières tamisées. 15 minutes de gloire nous fait passer, soniquement comme dans ses rimes astucieuses et spirituelles, plus de 4 minutes d’ivresse verbale et sonore. Un must absolu, tarégénial, parmi une fournée d’autres morceaux barrés qui ne donneront pas l’envie de se faire la malle. Elégance, qui suit, validant la portée des mots et la pertinence du décor mis en place.
3h30 lâche à son tour ses sentences passionnantes, remet les pendules à l’heure, évoque l’armée et son efficience et embarque l’alibi Karine au bal des pompiers. La radio s’y allume toute seule, la pendule s’y brise…tout ça à 3h30, même 1 heure plus tard. Les écarts de Maman Küsters, fréquents, ne peuvent que nous gagner, nous contaminer. On est en terrain miné, vicié, dans de délectables contrées. Un Soda cerise nous revigorera avant que Gonzo vision (hunter), vif, animé par cette diction dont on s’éprend, postée entre susurration et moments d’emportement, fasse son effet. Hanté, possédé, le disque est sans égal. Alpiniste lui franchir un roc supplémentaire, les sons et lettres inventifs et a-normés l’emmènent sur les cimes. C’est pas l’moment, prétend pourtant le chant. Mais Peter & Aline (feat. HIV+°) et son EBM cold virevoltante, irrésistible et irrépressible, maintiennent l’opus dans des hauteurs inspirées. On est pour le coup dans un passage rythmé, dont Le retour de l’alpiniste enfonce le piton avec maestria. On n’en est qu’à la moitié, ou un peu plus, des festivités; on est déjà conquis. Dada, tout en sons réitérés, offre un interlude instrumental. Le ton froid de Maman Küsters me fait penser, par instants, à Bettina Köster. Et je ne le dis pas pour la rime…
Maman K, d’un genre inqualifiable, au terreau électro underground doté de voix détournées, puis un Querelle aquatique agité, qui marque le retour des textes à la Play blessures, entérinent la singularité d’un album à ranger sur l’étal du pas banal, comme l’est Transat en kit. On y fait un break, sur un transat en kit. On y prend le large, dans les tropiques. Comme nos âmes sont tordues, répété…obsédant, criant de vérité, soutient des rimes…tordues, impressionnantes d’inventivité. Malédiction, électro-rock pénétrant, met fin à la partie dédiée aux morceaux « classiques », si tant est qu’on puisse faire usage de ce terme s’agissant d’un groupe aussi affirmé dans sa différence.
On a alors droit à 2 bonus; Liebe hat keine preis (remix by David Carretta), qui amène avec à propos un ton plus enjoué à l’original. Bel apport. Et, cerise sur le gâteau, Alpiniste (feat. HIV+) en bonus digital, dépaysant de par l’usage, bienvenu, de la langue espagnole. On termine donc superbement un album aux portes du prodigieux, qui incitera à des écoutes intempestives afin de livrer toute sa teneur. Afin, aussi, de s’imprégner de sa déviance récurrente, synonyme ici d’excellence totale dans le rendu.