Auteur d’albums et de lives vrais et sans fard, Baptiste W.Hamon répond aux quelques questions de Muzzart…
1) Dans la foulée d’un Soleil, soleil bleu tout frais (tu noteras ma verve), quel est ton sentiment ? Le rendu, plus bref que L’insouciance qui le précède, correspond t-il entièrement à tes attentes ?
Absolument ! Je voulais pour ce second disque passer davantage de temps en studio à travailler les sons, et aller aussi loin que possible dans la précision des arrangements. J’ai eu la chance de travailler avec deux incroyables réalisateurs, Xavier Thiry, et Alexandre Bourit, en qui j’avais une absolue confiance et qui ont su traduire en musique ma volonté d’ouvrir mon univers à des sonorités nouvelles, tout en conservant les reflets Americana qui me tiennent tant à cœur.
2) A tes débuts tu chantais « Quitter l’enfance ». Où en es-tu de cheminement vers un âge adulte contre lequel l’Enfance est justement, souvent, un échappatoire ?
J’ai compris qu’on n’avait pas d’autre choix un jour que d’aller se foutre à l’eau dans le grand lac des choses responsables, emmerdantes et parfois tristes. Mais j’ai compris aussi qu’une fois sur ce lac, il était toujours possible de retourner sur la rive sur laquelle nous jouions gamins. Ce monde d’insouciance et de rigolade, où rien n’est très important, tout est découverte et émerveillement, où il y a plein d’amour, et où on se poile bien. J’essaye au maximum de composer depuis cette rive, d’y vivre parfois et d’y inviter les copains.
3) Tu disais lors d’un live récent, à la Lune des Pirates d’Amiens, avoir eu le déclic en entendant Townes Van Zandt. Est-ce ta seule source d’influence ? N’est-il pas difficile, quand on a ces références évidentes, de s’en émanciper ?
Les singer-songwriters américains sont toujours une source d’inspiration majeure pour moi. Van Zandt a été le déclic, parce que c’est lui qui m’a touché le plus intensément, et le plus immédiatement. Leonard Cohen aussi. Mais je me suis toujours nourri de beaucoup d’autres musiques, de pop, de chanson, de rap, j’aime les choses sensibles et légères, groovy, sincères, épurées. Et je m’inspire également d’autres formes de littérature, de poésie, de romans, de cinéma.
Sur mon premier disque, j’avais très envie de coller le plus près possible aux codes de l’Americana, pour proposer une grille de lecture à mon travail. Aujourd’hui, je souhaite garder l’Americana comme fil conducteur, mais intégrer davantage les sonorités de mes autres influences, et ainsi proposer un univers encore plus singulier et sincère, qui ressemble absolument aux humeurs des deux-trois années de composition d’un album.
4) Tu chantes autant l’illusion que la désillusion, l’espoir que le regret. Le ton de tes chansons peut être aussi guilleret qu’ombrageux ; fonctionnes-tu par « oppositions » dans ton processus d’écriture ?
C’est important d’apporter de la légèreté aux choses graves. S’en moquer un peu, pour ne plus les craindre, et essayer d’en tirer une force. Les tristesses peuvent être magnifiques lorsqu’on les prend pour ce qu’elles sont : non pas des montagnes, mais des petits riens qui nous visitent de temps à autre, et nous font réfléchir sur le sens de nos parcours. La chanson et l’art en général peuvent avoir ce rôle, de révéler l’insignifiance et le sublime des tristesses.
5) Pour moi tu illustres parfaitement l’idée de « songwriter », fort de mots expressifs et élégants. J’imagine que cela revêt pour toi une certaine importance ?
L’écriture est mon moteur principal. Le travail de la langue, des sonorités, du phrasé, l’association des mots. Le texte est pour moi à la fois la matrice et l’ambition du processus créatif. C’est une façon parmi d’autres d’envisager la musique, mais c’est aujourd’hui celle que je conçois le mieux.
6) Le temps passe, tu le dis toi-même sur De Mille feux. Ton côté prolifique, en termes de dates comme sur le plan des sorties , n’est-il pas un moyen de « combattre » ce temps qui passe ou de l’utiliser de façon porteuse ?
J’ai la chance d’avoir suffisamment de temps pour moi pour laisser libre-cours et conscientiser beaucoup des tous petits sentiments du quotidien : les bonheurs, les espoirs, la mélancolie, le vague à l’âme. J’essaye d’en faire des alliés, qui font que le temps qui passe n’est plus à combattre, mais à gagner, en partages, en introspection, en souvenirs, en déclarations d’amour, d’ivresse et d’amitié.
7) Tes textes, fins, font voyager…là où l’esprit s’envole. Est-ce ce que tu cherches à travers tes compositions ? Une fuite, un imaginaire libérateur ?
A planter un nouveau décor, peut-être. A combattre le monde visible par l’imaginaire, le sensible, par la justesse d’un rêve. Et rendre finalement ce rêve plus vrai que la réalité qui nous entoure, plus puissant que les soucis et les angoisses qui nous retiennent et nous empêchent parfois d’avancer.
8) Tu remets le mot, inspiré, au premier plan. Ca fait du bien, à l’heure où pléthore d’ « artistes » massacrent la langue et signent des textes creux, très pauvres. Qui, ou qu’est-ce qui, inspire ta plume agile ?
Tout, ou presque ! Une promenade au parc, une discussion au stade, un dessin d’enfant. Et des livres. Parfois même, l’inspiration vient de ceux-là même dont on dit qu’ils « massacrent » la langue : ceux qui oublient ou ignorent les codes permettent de nourrir un nouvel imaginaire, qui peut nous perturber d’abord, mais que je crois salutaire. Casser les syntaxes, oublier des mots, utiliser l’argot et le parler mal, emprunter aux langues étrangères ou aux patois d’antan : ce sont autant de façons de réinventer une langue, de la faire évoluer, et d’envisager ainsi la poésie de demain.