Définis comme culte par Etienne Daho, Les Nus reviennent avec un 3ème opus, intitulé « Enfer et paradis », prévu pour le 8 novembre sur le label HYP. Questions à Christian Dargelos, leader du groupe et ex-Marquis de Sade, sur ce retour confirmé puisqu’un second effort est également sorti en 2016…
1. Vous étiez revenus en 2016, avec un second album faisant suite à 25 ans de silence. Vous êtes à nouveau présents, avec ce « Enfer et paradis », 3 ans après ! Avez-vous trouvé un « rythme de croisière », ou retrouvé la « gouache » nécessaire à sortir des albums de façon régulière ?
A l’instar des écrivains qui, pour exister, publient des livres ou des articles dans les journaux, nous sommes « condamnés » à écrire des chansons puis les enregistrer ! Le deuxième album en trois ans. Aujourd’hui, c’est une bonne moyenne. Sinon, on signe notre arrêt de mort.
De plus, c’est une motivation supplémentaire de tenter de nouvelles chansons et de créer un nouveau répertoire. Pour la scène, on choisit le best of des 3 albums. Cela permet également d’arranger et mettre au goût du jour des titres anciens.
2. A l’aube de la sortie de « Enfer et paradis », quel est votre ressenti ? Que signifie, par ailleurs, l’intitulé de ce disque ?
On a pris notre temps, un an pour la composition et un mois pour le mettre en boite, mixage compris ! A cette étape, nous sommes satisfaits du résultat. On a choisi de travailler avec un jeune réalisateur, Romain Baousson, batteur de son état qui a su mettre sa patte sur le projet tout en gardant l’esprit qui habite le groupe depuis ses débuts. Cet album est cohérent, chaque morceau correspond à un chapitre de livre et quand résonnent les dernières notes du dernier titre « Les portes claquent », on sait qu’on a fait le boulot.
« Enfer et Paradis » se veut une photographie de l’état du monde actuel. L’enfer d’un coté avec un climat en feu, les religions et leurs guerres qui gagnent du terrain. A L’inverse, il reste des raisons d’espérer, pas forcement un paradis mais des gestes qui prouvent que l’homme détient toujours des ressources. Heureusement, la jeunesse ouvre les yeux et s’engage pour mener des combats entraînant derrière elle toutes les générations.
3. Quelles ont été, pour « Enfer et paradis », vos sources d’inspiration tant textuelles que musicales ?
Nous sommes des musiciens portés sur les années 70/ 80 qui coïncident avec notre génération. Notre inspiration reste ancrée dans ce rock symbolisé par les Stones ou les Doors. C’est paradoxal aujourd’hui de citer des dinosaures de ce calibre mais quand je fais un retour sur ma vie et la musique qui m’a « bercée », c’est ces noms qui reviennent . Après, il y en a plein d’autres. Pierre cite facilement Killing joke et Joy division, Rémy les Stranglers. Goulven penche plus vers Television et Nick cave. Notre culture musicale est vaste et pleine, plutôt ouverte.
En ce moment, j’écoute en boucle Tinariwen !! Cette formation berbère dont le blues rock du désert résume tout ce que j’aime en musique : le rythme, l’authenticité et la force qui s’en dégage. Les textes découlent d’une vision que je me fais du monde. Citez Eva Braun dans une chanson, n’est pas neutre et fait référence aux vieux démons que l’Europe a connu. Sinon, le cinéma américain et la littérature française un peu surannée me servent de fil rouge tout comme la vie de saltimbanque.
4. L’environnement musical rennais, que je sais assez foisonnant, a t-il eu une influence sur votre retour ?
Il est – certes foisonnant mais hétéroclite. Electro, garage, pop, folk, hip-hop tous les styles ont droit au chapitre. La scène est riche mais sans véritable identité. Alors que dans les anées 80, il y avait ce clan, un cercle de copains musiciens qui rêvaient tout fort de devenir célèbres et pourquoi pas riches (rires).
Non, désormais on bosse chacun dans son coin !
5. Le fait d’inclure d’ex Marquis de Sade oriente t-il, consciemment ou non, votre rendu ?
Pas vraiment ! MDS a ce son unique et qui lui est propre . En fait, il n’y a que moi qui ai fait parti de l’aventure Marquis ! Pierre Corneau lui a participé à Marc Seberg. Les Nus ont un son plus anglais je dirais ! C’est mon avis en tout cas !
6. A l’époque, je dirai, vous avez notamment joué avec le Gun Club. Quels sont les groupes actuels avec lesquels vous aimeriez, à l’occasion de ce retour confirmé, partager la scène ?
Les groupes de guitares se font de plus en plus rares, mais avec tout ce revival, on pourrait bien essayer de faire chambre commune avec : allez New Model Army , les Hyènes de Denis Barthe ou Red goes Black excellent groupe de rock originaire de Douarnenez !
7. Vous avez été repris par Noir Désir et Dominic Sonic, figures de proue d’un rock hexagonal à mon sens assez fertile . Qu’en pensez-vous ? J’imagine qu’il s’agit de quelque chose d’assez gratifiant…
Quand Noir Désir a repris « Johnny Colère », c’était une forme de revanche et de consécration. Pas peu fier d’être sur Tostaky. Certainement l’album le plus emblématique du rock français. Une fierté qui parfois me revient et me fait dire que tout notre « modeste » production n’a pas été vaine. Pour Dominic, qui est du sérail, je trouve que « Signe des temps » lui va comme un gant. J’aime beaucoup sa version dans un beat à la Bo Diddley.
8. J’ai remarqué que Goulven Hamel, guitariste de Santa Cruz vous avait rejoints en 2014. Je l’ai vu sur scène aux Scènes d’Eté de Beauvais avec ce groupe, j’ai adoré tant son jeu que la tenue scénique de Santa Cruz. Que vous apporte t-il ?
Goulven est un guitariste doué !! il étonne beaucoup les gens qui ne le connaissent pas. C’est un rockeur dans l’âme qui s’éclate avec l’ancien et le nouveau répertoire . Il a mis sa griffe sur les parties de guitare de Fred Renaud qui n’étaient pas simples, loin s’en faut . Et son apport dans le dernier album est tout aussi décapant, autant rythmiquement qu’à travers ses solos. Il a sans doute plus de liberté que dans Santa Cruz qui avaient trois guitaristes du temps de sa présence .
Photo du groupe: Richard Dumas.