Bassiste autodidacte affublée d’un boucleur, dont elle fait ici un usage adroit et inspiré, Suzy LeVoid est à la tête du projet Miët. Le sien, sien jusqu’au bout des notes, jusqu’au bout du chant. Projet nourri par l’activité de la Dame, qui outre un premier EP sorti en 2016, peut déjà se fendre d’une participation aux travaux de MellaNoisEscape ainsi que d’avoir ouvert pour Jeanne Added ou encore Shannon Wright.
Avec son Stumbling, Climbing, Nesting, la nantaise pose des bases saisissantes. Elle expérimente, se distingue vocalement et dessine les traits, bien en relief, d’un rock changeant dans ses humeurs. Volcanique (l’excellent Our waking lives en ouverture), celui-ci, tiens, souffle aussi la sensibilité écorchée d’une…Shannon Wright, pour qui Miët a donc ouvert le bal scénique. Il y a ici beaucoup de caractère, une identité qui porte bien haut ce disque à la fois rock, indus, au ressenti palpable que ce soit dans la « ouate » comme dans ses penchants nerveux, nombreux. Passé cette introduction de taille et de souffre, The queen of gloom impose ses secousses industrielles. Chant narratif, puis mutin ou plus soyeux, un brin batailleur, et étayage sonore issu d’un esprit fertile s’unissent…pour le meilleur en termes de rendu. Obscur, porteur d’histoires de vie ayant pour thème l’humain, les parcours de vie et les embûches qu’ils génèrent, Stumbling, Climbing, Nesting (me) captive. Même lorsqu’il se fait plus posé, ou plutôt faussement tranquille (Hibernation), il dégage de l’attrait, et nous secoue émotionnellement à l’image des sujets que son contenu aborde.
Sur le morceau cité plus haut, c’est d’ailleurs la rage qui finit par prévaloir. Elle trouve ici une belle expression, des sons et chansons à sa mesure. I walk, uninterrupted dresse une toile sombre, à l’intense minimalisme. L’équilibre entre la soie du chant, ses versants bien plus ardents, trouve son contrepoint dans le ciment sonique. Je pousse alors le volume: l’ire de Miët, c’est un peu la mienne, la notre. Son disque en est le parfait écrin, Anophecy le voit s’assagir sans, toutefois, délaisser ses abords gris et ses rythmes qui, soudain, s’affirment. Je suis déjà pris de l’envie de le rejouer, ce Stumbling, Climbing, Nesting. Mais il me faut d’abord achever ma première investigation.
Celle-ci m’amène ensuite à Many masters. On y investit un terrain plus psyché, au climat -c’est une constante chez Miët- captivant. On retrouve une atmosphère tout aussi fascinante avec October, à l’arrière-plan menaçant. Tout en saccades brutes, entaillées par des sons belliqueux. Suzy y greffe un chant pluriel, qui incontestablement donne de l’envergure à son effort. Nesting suit; il semble, par son contenu, projeter une forme de sérénité qui, sur la fin du morceau, se perd dans des élans rugueux et speedés. Dans ceux-ci, il y a quelque chose de racé, une touche individuelle indéniable. Une mainmise, aussi, qui sert l’ultime livraison de l’album. Un My boulder and I tranquillisé, bien belle conclusion d’une rondelle de tout premier choix, enregistrée qui plus est au mythique Black Box d’Angers.