Le R4, ça représente beaucoup. Fort de 21 ans dans lesquels il n’a pas perdu ne serait-ce qu’une dent, le festival « from Revelles », immanquable, éclectique, dynamique, dont l’entrée ne te pompe pas ton fric compte tenu de sa gratuité, a une fois de plus, pour son édition 2019, semé du bonheur à toute heure. Et ce, sur la bagatelle de 3 jours avec un temps fort, sans temps morts, le samedi. Ceci dans la foulée d’un vendredi où les nantais de Ko Ko Mo, excellents dans leurs déflagrations rock devant autant à Led Zep’ qu’à QOTSA, ont trôné sur les cimes du village de la Somme.
Dépassés ne s’étant pas laissé distancer avant la paire de Nantes, tandis que Marcel et son Orchestre (rebaptisé « Norbert et sa fanfare » par un adepte du rock empreint de vérité) remportait l’adhésion de la foule tout en se montrant lassant et par trop potache jusqu’à, presque, faire tâche, la première soirée du R4 a battu son plein. Ouvrant ainsi la voie à une seconde journée fournie, riche de, tenez-vous bien, 11 groupes au total. The Dakens, morceaux de l’étape, envoyant le bousin pop-rock comme il se doit en amorce. Unis, forts de morceaux pas sots, les 4 des Hauts de France ne sont pas loin de l’excellence. Comme le seront Ondine Horseas, plutôt « folk ethnique », Sheriff et son univers aussi climatique, presque post-rock tout en devant aussi à la classe vénéneuse d’un Nick Cave, ou les écorchés garage-blues de Delta Vultures, assurément l’une des révélations du R4 emmenés par un chanteur-guitariste fantasque.
Révélations donc, confirmations aussi, cadre verdoyant et canapés incitant à l’abandon, nombreuses échoppes et café du village pittoresque, doté d’un charme à l’ancienne qui le rend incontournable, musicalité élevée et diversité dominée par le courant rock; tout y est. Eiffel assure la « présidence » de cette 2ème journée avec brio, son répertoire est de toute façon solide et quasiment sans rides. Secret Garden & the Dusty Man s’invite au rayon, généreux, des trouvailles annuelles. Pilier de l’événement, l’organisation est optimale. On navigue entre les 2 espaces scéniques avec joie et légèreté, porté par le son, en s’atardant au passage à la scène dédiée aux jams. Ca se finit tard mais les derniers combos à l’affiche, tels June Bug, ne flanchent pas. Dans les champs résonnent les chants et le rural, le R4 fait mieux que de l’honorer: il l’emmène très haut, en fait un bastion du son et un territoire d’espoir. Une terre soniquement fertile, au charme humain jusqu’au bout des mains.
Le temps d’un verre, justement (une Marquenterre à 2.50, ça s’avale sans rechigner), au café du coin, et le samedi a tout dit ou presque. Mais la messe, elle, n’est pas dite; le dimanche, avec ses 5 formations émergentes, prolonge l’extase. On reprend la voiture, on bride la fatigue et Massto amorce, avec brio, le 3ème et dernier volet d’un festival ayant à nouveau fait le plein. De spectateurs, de groupes de choix, de sonorités qui font du bien. C’est la nouveauté, c’est aussi un essai, ce dimanche « cadeau », et on l’approuve. Il pourrait en appeler bien d’autres, il couronne les « rencontres Rock’n’Roll de Revelles », dixit le batteur de Ko Ko Mo, et en étend la portée. Il sera bon de le renouveler.
On l’aura donc compris, c’est clair comme le ciel de Revelles; le R4 grandit encore. Il innove, se complète, recourt à des idées porteuses. Sa pluralité est indéniable, sa qualité jamais remise en question. Son écrin de nature, son humanité et son côté familial le consolident et attirent celui qui, habitué ou plus « néophyte », projette d’y venir. Au passage, on s’offre le badge de soutien, pour le modique somme de 3 euros. Car il ne faut pas l’oublier; rien n’est acquis et le R4 vit de façon essentielle sur ses propres subsides. Pour l’heure, il tient encore debout et joint les 2 bouts sans prendre trop de coups. Sa bannière flotte fièrement sous la brise picarde, ravivée par 3 jours sans entraves.
Photos William Dumont.