Inutile de rappeler que Chokebore est devenu légitimement notoire en entrant dans la case « groupe favori de Kurt Cobain« . Ou presqu’inutile, car Chokebore était, il y a peu encore, plutôt une référence qu’un groupe encore en activité.
Il est impossible de les dissocier des mots clés employés depuis leurs débuts afin de les définir : glacial, sombre, et leurs assortiments. (Des mots qu’il ne sera pas difficile d’utiliser dès les premières lignes, pari tenu)
Ce serait comme séparer Hawaï de ses apanages ensoleillés et ensablés.
Et pourtant. Les quatre polynésiens sont loin de délivrer une musique enjouée et radieuse, pour notre plus grand plaisir à vrai dire.
Leur nouvel EP 5 titres, « Falls Best », ne déroge pas à la (à leur ?) règle.
Chargés d’émotions glaciales (et de un), les titres labourent l’esprit d’images sombres (et de deux), torturées et délirantes. La voix, tout au long de l’EP, claire et belle, et le ton fragile et apathique du leader Troy Von Balthazar, donnent un certain esprit et joue beaucoup dans la personnalité propre au groupe.
L’enregistrement de Chokebore est une mini-expérience à vivre, on en sort comme d’un court-métrage lynchien, en noir et blanc, où les riffs prennent le dessus et fabriquent en nous des images animées.
Le son est étouffé et profondément noisy, à l’image de Get Blonder ou de l’excellent Awesome, à la mélodie maculée de résonances électriques.
En si peu de titres, on y rencontre du calme poétique et du saturé, comme sur Defenders, et de l’explosif avec Lawsuit, le titre d’ouverture, dont les boucles récurrentes s’affichent volontairement tristes et sinueuses.
Dans ce court-métrage sonore, Joy représente très sûrement la scène clé : une certaine folie douce émane de ses riffs, une mélodie presque joyeuse comme l’indique le titre, et pourtant profondément sombre, encore une fois. L’imagination nous laisse dériver loin, très loin, là où un tueur psychotique écoute dans sa vieille voiture crasseuse, dans le désert, Joy, un sourire badin au coin des lèvres, et deux cadavres mutilés dans son coffre.
« Falls Best » est donc une excellente surprise, Chokebore semble avoir encore beaucoup de choses à nous dire, et nous lance ici savoureusement dans les années 90 au croisement de l’indie rock, du grunge et de la noise dans une ambiance chaudement glaciale à se repasser en boucle.