Encore « Jeune homme » à l’époque, François Crimon me fut dévoilé un soir d’octobre 2011, à Amiens, Lune des Pirates. Programmé en première partie de Cults, le local s’était incontestablement distingué, d’une part par une gentillesse loin d’être feinte et d’autre part, à l’aide d’une succession de morceaux solos touchants, joués avec sincérité et assortis d’un belle plume.
On sentait poindre un univers, encore indécis, dénudé et à l’heure où sort ce Octobre Paris, on mesure, bien vite, le chemin parcouru. Le verbe plus que jamais habile, l’artiste devenu adulte, sans complètement se départir, toutefois, d’une forme de naïveté et d’insouciance adolescente de nature à orner son opus avec une certaine fraîcheur, étaye le propos, s’entoure efficacement et fait mouche sur onze titres légers et alertes, finement conçus. Le tout à mi-chemin de Renaud et des Libertines, qu’il aime à citer comme influences prédominantes et dont il réalise là un bel amalgame. Ses amis, convoqués pour l’occasion, l’épaulent avec brio; Maxime Dheilly joue un peu de tout, Charles Lagueritte assure la frappe et Romain Botti, autre jeune prodige issu des terres amienoises, produit l’effort.
Celui-ci charme et accroche dès l’amorce de Mister Parker, exercice pop-rock bilingue et imparable, dont naît l’envie de reprendre ses refrains entêtants. Crimon narre des tranches de vie dans lesquelles tout un chacun ou presque pourra se reconnaître, qui mouillent les yeux en même temps qu’elles font dodeliner de la tête. Flingué dans le noir et ses breaks judicieux, sa vivacité pop-folk et son décor aussi simple que décisif (c’est une constante sur Octobre Paris) prend le relais sans fléchir, Ma cavale s’en tient à une trame plus strictement folk, ses jolis choeurs le valorisent grandement. Le chant, lui aussi digne d’intérêt, peut prendre des accents narquois, se parer d’ironie ou d’un certain dédain, se faire, aussi, léger et enjôleur; il garde, quel que soit le timbre, son attrait et son authenticité. Elle est parfaite est…parfaite, la gent féminine est bien entendue honorée musicalement et textuellement, c’est l’une des armes du bonhomme et pas la seule, loin s’en faut.
Dans l’élan, Café en terrasse et son jeu de guitare racé, à la fois rude dans l’attaque et sensible, mettent un désenchantement attachant en musique, un bel interlude représentatif de la justesse de ton inhérente à l’album se fait entendre, puis On s’en ira, essai rock bourru/léger, enfonce le clou d’un ouvrage soigné, aux mélodies qui mettent du baume au choeur et, dans le même temps, le mettent à mal dans ce qu’elles évoquent. Il n’y a là aucune surcharge, le dosage est idéal. Ex en provence impose son côté aérien, on se tient en vain à l’affût d’un faux pas. « Coup d’essai, coup de maître », titrait récemment Philippe Lacoche, dans son papier dominical; on n’en est pas éloigné…
Coeur de braqueur et ses prétentions « canaille au grand coeur », ses chalala enchanteurs, réinstaure une pop-folk des plus présentables, à l’instar d’un album auquel il reste alors deux autres titres de choix à faire valoir. Sur les toits de Paris, à l’habillage sobre, finaud, et pour finir, Puisque tu pars (live session studio), ultime étoffe sonore qui donne l’impression que la fine équipe mobilisée pour l’occasion joue là, près de nous. Choeurs encore une fois avenants, guitares bluesy stylées, voix à l’accroche certaine, la séduction persiste et fait du disque décrit ici une oeuvre aboutie, de plus en plus prenante au fil des écoutes, nombreuses, qu’on lui consacrera.