Des palettes d’albums (La isla bonita, présenté en ces lignes, est son treizième), une identité depuis longtemps affirmée: Deerhoof, le combo de San Francisco mené par Satomi Matsuzaki, à la fois culte et connu donc des initiés, mérite donc qu’on y jette, à ces fameuses sorties, une oreille plus qu’attentive.
Pour La isla bonita, la base fut une reprise des Ramones, Pinhead, qui amena le groupe à enregistrer un opus basé sur le groove (diabolique, obsédant, il est ici omniprésent, dans la foulée d’un presque funky Paradise girl que la batterie de Greg Saunier dynamise, parfaitement aidé en cela par les guitares aux sons dingues de Dieterich et Rodriguez) et des riffs killer (Paradise girl justement, Doom ou Last fad, sucré mais explosif, en ce qui concerne le début du disque), qu’on trouve à la pelle sur cet effort de taille. L’énergie déferle, des accalmies dream-pop (Mirror monster) s’invitent au déluge et comme souvent avec Deerhoof, on a d’emblée l’impression, la certitude ensuite, que la barre a été placée très haut. L’opus foisonne mais reste accessible, la sécheresse des riffs évoquerait même nos Sloy nationaux ou encore Gang of Four, et une sensibilité pop façon Blonde Redhead accompagne les sursauts presque noise de certains morceaux, tel Tiny bubbles.
On ne s’ennuie pas une seconde, Exit only, furibard et enregistré en une seule prise suite à un « grifouillis » inspiré de Saunier, défouraille à tout-va et fait grimper d’un cran supplémentaire le niveau d’ensemble, déjà élevé. Big house waltz suit dans cette veine pétrie de groove, dansante mais dynamitée par les quatre ou six-cordes, démentielles, et ces fûts versatiles. La cohérence est complète, la finesse dudit titre précède un autre essai génialement fou, God 2, instrumental surf-noise des plus concluants. Deerhoof est sans égal dans son genre, parfois copié, jamais atteint en impact, et frappe juste même quand il se pose (Black pitch, plus pop), pour ensuite envoyer un Oh bummer fait d’une pop psyché et noisy à la fois, le tout bien sûr ajusté comme il se doit. En conclusion donc d’un travail fabuleux, à la hauteur de la plupart des essais du groupe, enregistré qui plus est live dans l’appartement d’Ed Rodriguez.