Deux ans après, Mechanism for people, soit Fred et sa compagne Aïcha, maintenant en duo après le départ de Seb, remet le couvert, injecte de l’electro de façon judicieuse et parcimonieuse dans ses compositions, et sort un tout premier album de haute volée. Entre shoegaze vaporeux et bruissant, dream-pop cold (oui, c’est possible et le morceau introductif, The taste of sweet life, le prouve avec superbe) et injections electro bien dosées, M.F.P. invente presque un style. En tous cas, il use de bribes de genres divers pour créer le sien, et parvient de ce fait à un résultat époustouflant, aussi intense que brumeux, aussi brut que raffiné. Une certaine sensibilité pop en magnifie le contenu (When it’s over, sucrerie poppy gentiment assombrie), et la paire crée des enrobages sonores purs et/ou troublants, jamais conventionnels, tout en nous régalant d’ambiances prenantes. On s’incline devant l’envolée shoegaze de fin de ce morceau, puis Rotten the core et sa cold souillée nous plonge dans une atmosphère troublée, remuante et agitée du plus bel effet. Délicatesse et insoumission sonique se livrent un combat sans merci, dont résulte le meilleur comme The rising of sap, aux six-cordes énervées, aussi orageuses que génialement indistinctes.
Les morceaux ainsi formés évoquent plusieurs styles mais ne peuvent être réduits à un seul d’entre eux; ils sont dus, avant tout, à la capacité du duo à brasser les genres, à définir son propre territoire sonore, à l’image de l’electro-cold d’Elders, qui fait appel tant à des scories noisy qu’à la mélancolie dream, et met en scène une dualité vocale parfaite. Les guitares, performantes en toute occasion, étayent le tout avec maestria, et Never reach for the stars pourrait même faire verdir Kevin Shields de jalousie, avec ses gimmicks à la Loveless qui en font un When you sleep bis.
On a la sensation, avec ce disque, de parcourir trois décennies de rock souterrain, stylé, et l’écoute de l’opus fait surgir de grands noms sans qu’à aucun moment, on ne sente Mechanism for people redevable à l’un d’entre eux, loin s’en faut. Et quand ils calment le jeu ou font dans une tension moindre, comme à l’occasion d’Agony, la rendu ne faiblit pas une seconde, malgré les presque huit minutes du titre. Raffinée, légèrement obscur, une nouvelle fois parfaite dans l’association des chants, cette chanson consacre le couple/groupe et complète son oeuvre avec à propos et magnificence. Le calme de Prodigy fera de même, tout juste perturbé par un arrière-plan grinçant, souligné par un piano de classe, avant un Go feral fonceur, animé par des sons electro bien trouvés et une cold-wave hybride, noisy et saccadée. M.F.P. fait feu de tout bois, breake ici pour ensuite mieux s’embarquer dans une furie sonique addictive, et se montre impérial dans un format qui est avant tout le sien, et qui, sur Down, use d’une voix narrative en Français dans un climat à la Expérience ou Diabologum.
C’est ensuite The red dress, à l’intro subtile mais tendue, electro, à la voix spatiale, qui se distingue. Il nous emporte dans un trip céleste finement amené, vrillé, pour à l’arrivée laisser le shoegaze très MBV de Pictures of Algeria, comme émergeant du brouillard et d’un crachin de guitares en strates, nous envelopper dans ses apparats à la fois fringants et dégingandés, et consacrer un Never reach for the stars assez inégalable de par ce qu’il dégage et impose.