Après une interview (visible et audible en direct par le public, entre autres belles surprises réservées par l’équipe de ces lieux plus qu’attachants) des artistes mis en scène, dans la bulle radio du 106, c’est donc The Feeling of love qui allait nous réjouir en alliant, avec le brio des formations déjà entièrement reconnues, rock noisy à la Jesus and Mary Chain, élans post-punk (Night cold dance), passages opaques par éloignés des Black Angels (Numboy) et embardées garage, le tout assorti d’un psychédélisme flou et lancinant, génial, à la B.J.M. (Beyond the dirt).
The Feeling of Love
Le trio messin, atypique dans sa formule (chant-guitare, batterie et synthé), s’est appuyé sur ses sorties discographiques, déjà fournies, et leur contenu sans faiblesse aucune, pour produire un set acéré, hautement probant, ses morceaux bénéficiant de surcroît d’envolées de claviers déterminantes, en parfaite corrélation avec la coloration musicale pour laquelle les garçons optent. On s’étonne, au vu de cette prestation remarquable et de la qualité offerte, des zébrures noisy d’un Dissolve me, entre autres moments de bonheur et d’insoumission vécus ce soir-là, que The Feeling of Love ne bénéficie pour l’heure que d’un statut, et d’une reconnaissance, bien trop restrictifs eu égard à son indéniable talent. Et les morceaux du groupe illustrent bien cela, qu’il s’agisse de Young Jesus et ses voix allant de pair avec des motifs sonores récurrents tournant presque à l’obsessionnel et engendrant un effet psyché prononcé, ou School yeah et son clavier lui aussi entêtant, preuves tangibles de la fiabilité de ce groupe dont le registre lui permettrait sans usurpation aucune de se voir propulsé en première partie de noms prestigieux, ou en tête d’affiche de programmations de choix. Un rock varié donc, de caractère et jamais normé, aussi bien exécuté qu’instinctif, aux airs d’entrée en matière diablement qualitative. Avec en guise de « bonus » des giclées bruitistes plus que profitables (Dissolve me) qui donnent du corps et une belle envergure à cet ensemble séduisant.
Magnetix
En seconde position, Magnetix, plus cru encore, plus basique et tout aussi abouti (la réputation scénique de la paire n’est plus à établir et cette dernière en a apporté la preuve, cinglante, ce soir), s’est chargé d’intensifier, si besoin était, le contenu de la soirée, tout en en creusant la panel sonore et stylistique avec l’énergie, le brio et l’intensité qu’on lui connait. Entre Cramps et Sonics, électrisants et jouissivement basiques, se permettant au passage le luxe d’un titre en Français (Mort clinique) tout aussi accompli que le reste, Aggy Sonora, batteuse pour le moins…percutante, et Looch Vibrato, chanteur guitariste wild comme on les aime, ont mis à profit leurs deux opus pour envoyer un gig high-energy, dont la fin, jouée par Looch seul sur scène et tirant de sa six-cordes des stridences noisy du plus bel effet, a conclu de belle manière une apparition qu’on ne peut passer sous silence. Le duo très complice adjoignant à cela quelques nuances bien senties (Living in a box) que malmènent de brusques sautes d’humeur rythmiques, des plages braillardes aux atours rétro dignes des formations précitées et un son à peine dégrossi, entièrement approprié, on comprendra que la soirée prit alors des airs d’évènement immanquable. Valorisé, par exemple, par un Head off sans fioritures ou ce Nonsense au déluge de riffs incroyables, et rendant ardue la tache de Frustration, à qui il incombait donc simultanément de leur succéder et de mettre un terme aux festivités.
Frustration
Qu’à cela ne tienne, les parisiens ont, leur Relax tournant en ce moment même sans relâche dans mon lecteur pour raviver le souvenir de leur passage, terrassé l’assistance avec leur succession de morceaux entre cold-wave, new-wave et sursauts à l’énergie punk (Shake me), ceci dans une alternance entre coups de boutoir sonores et moments plus nuancés (Too many questions) et en offrant de nouvelles compos de haute volée.
Les réminiscences Joy Division (She’s so tired, superbe), le jeu de scène de Fabrice, visuel et magnifiquement déviant, la solidité du tout, la symbiose évidente entre les musiciens, les lignes de basse façon New Order, renversantes, d’un Manu à la joie et au sourire communicatifs, les claviers et leurs boucles et parties sensationnelles, et j’en passe; tout concourt, chez Frustration, à hisser le groupe au plus haut. Celui-ci amenant en plus de la nouveauté à son registre et laissant augurer, de pair avec cette prestation live incandescente, de sorties à venir dont la teneur lui offrira l’opportunité de franchir un pallier supplémentaire.
Frustration
Ca ne serait d’ailleurs que justice tant le quintet s’est imposé en terre rouennaise comme un combo de tout premier ordre et une machine de guerre scénique redoutable, forte d’une série de morceaux dont aucun ne pourrait souffrir la moindre critique négative.
Si on ajoute à tout la dédicace des Olivensteins, ex-Dogs, forcément évènementielle et très prisée, et le mix détonnant de JB Wizzz, perché au dessus de la bulle radio, entre plages dépaysantes et clashs electro-punk frontaux, on obtient à l’arrivée une nouvelle soirée merveilleuse, en un lieu qui s’apprête d’ailleurs à en abriter de nombreuses autres. A commencer par The Elecktrocution+Oh la la! le 4 février, ou encore…les Black Angels, ni plus ni moins, le 10 de ce même mois, pour donner un bref aperçu des sets programmés et mis en place.
Photos Lucile Emma.