Ici, il y a d’abord, gage de qualité très fiable, la production assurée par, notamment, Andrew WK, Lee Ranaldo, à nouveau, et Don Fleming, chacun se chargeant de quatre titres sur les treize inclus dans le disque. Et il y a, bien sur, ce résultat difficile à classer, d’une qualité constante et élevée, qui peut se faire brut ou émotionnel et même souvent les deux penchants avec brio.
Ca part sur un mid-tempo saccadé, Bastard of the year, à la fois précieux et déglingué, à la fin presque noisy, puis le groovy Devil knows, au refrain mémorable, doté de guitares acides remarquables, confirme cette entrée en matière de belle tenue. Les styles sont variés, le panel utilisé large, mais jamais au détriment de l’unité de l’ensemble, et Over, alerte et percutant, aussi juste dans son enveloppe sonore que l’intégralité de ce How to make friends, laisse à penser que les sudistes, qui se laissent aller ici à quelques « tchikeu-tchikeu-tchiyaa » obsédants sur fond de rock tranchant et sonique, ont définitivement trouvé leur voie. Wish witch ne démentira pas mes propos, mélodique certes mais entrainant et marqué du sceau de mélodies parfaites. S’ils ne suivent pas toujours une structure conventionnelle, et on s’en réjouit, les morceaux de Hifiklub sont en effet de ceux que l’on retient aisément et durablement, et auxquels, pour tout dire, on ne résiste que très difficilement. C’est le cas de ce Lonesome machine gun aérien et malsain, à l’arrière-plan tendu, puis de Miss Willy, noisy et asséné, qui met particulièrement en valeur la capacité du trio à imbriquer mélopées soignées, distinction et expérimentation et allant rock bienvenu. Même les voix, sensuelles ou plus perverses, sont décisives, comme sur ce What if tubesque et excité.
Captivant, cet album tient ses promesses jusqu’au bout, sa seconde partie, avec un Brooklyn lui aussi rythmé, avec une basse louvoyante et des guitares éparses mais furibardes, s’annonçant elle aussi de haute volée. Et quand Hifiklub se fait plus lancinant, légèrement plus insidieux (Data), le rendu s’avère tout aussi bon. Direct ou prenant des chemins de traverse tortueux mais bien balisés, le groupe maitrise tout et offre son lot, conséquent, de bons moments musicaux, le tout dans une liberté stylistique revendiquée et parfaitement assumée. On se délecte ainsi des guitares « Mascisiennes » du titre précité, tout comme de l’ambiance tranquille, classieuse, d’un Hey on racé.
Ensuite, Black master will permet à Régis Laugier et ses frères d’armes de passer brillamment, sur un rythme soutenu, le cap de la dizaine de chansons. On pense à la vague noisy-pop certes, mais aussi au meilleur du post-punk, et le côté alerte du morceau le rend indispensable, de même que ce refrain, comme souvent sur cet opus, remarquable et dévastateur. Et Tick tock, psyché et destructuré, sulfureux, complète le tableau comme il se doit.
Enfin, Catfish, posé et presque jazzy, produit par Kpt Michigan, connu pour ses remix de Calexico, évoque justement ce groupe et sa classe cuivrée. Et How to make friends, par son contenu et son appellation, constitue de toute évidence la meilleure des façons de s’en faire, des amis, et ce dans la branche la plus fiable et « a-normée » du public.
Excellent disque donc, oeuvre d’un groupe français, il faut le dire, à l’identité bien installée.