Après deux albums en forme d’ovnis musicaux, qui ont mis un grand coup de pied dans la fourmilière du rock français, les néo-rennais reviennent pour ce qui sera leur dernier album (A l’heure où j’écris ces lignes, tous ont un projet mais aucune reformation n’est à l’ordre du jour. J’en pleurerais…). Et pour ce dernier effort, le trio drivé par Armand Gonzalez nous offre une oeuvre parfaite, accomplie, qui surpasse les espoirs, et ils étaient grands, que l’on pouvait mettre en ce groupe à l’écart de toute convention, de tout schéma pré-établi. On trouve encore dans leurs compos des éléments propres à DEVO, aux TALKING HEADS et à certaines autres grosses références (GANG OF FOUR), mais ici et comme à chaque production signée SLOY, le rendu est 100% SLOY et ne doit rien à ces groupes, qui d’ailleurs passeraient de l’enchantement à la colère, voire à la jalousie, à l’écoute de ce que font Armand, Cyril et Virginie.
La basse très en relief de Virginie, la batterie saccadée de Cyril, et les vocaux et les guitares d’Armand, hantés et possédés, aux confins de la folie, donnent une fois de plus leur pleine mesure et alors que les morceaux de cet album défilent, rétrospectivement, on ne peut se dire que celui-ci peut être le dernier, que cela ne continuera pas. La recette SLOY est trop unique, trop précieuse, engendre trop d’émotions, trop de démence, de délicieuse névrose, pour qu’on puisse penser cela et encore moins l’accepter. Et quand se fait entendre la basse sur l’intro de Seedman, ça y est, c’est reparti, on est happé, saisi par tous ces ingrédients qui font la force du groupe, sa singularité, et qui s’imbriquent pour former quelque chose de dérangé, de dérangeant, presque une sensation de malaise palpable. Une sorte de mal-être dans lequel on se vautre avec délices, qui vous hante pour finalement laisser la place, une fois la recette du groupe assimilée, à un état de dépendance irréversible. No way out , lancinant, électrique comme tout titre signé SLOY, confirme cette sensation, suivi par Disconnected elite, mécanique et hypnotique, arpenté par la ligne de basse de Virginie, tandis qu’Armand joue des riffs et chante de façon possédée, un peu à la manière de JON SPENCER, déjantée et maîtrisée à la fois. Spermadelic illustre bien ce côté décalé et incohérent, cette attitude de refus des schémas qui brille par…sa cohérence, puis White blood, entraînant et dénué de voix, donne une belle leçon de savoir-faire instrumental. Surprised into the black hole, animé par un riff bien envoyé, The Elect un peu dans le même style, griffé par cette guitare dangereusement électrique, cette voix obsédée, puis Semen, aux sonorités presque orientalisantes, soudain « breakées » par la guitare et la voix d’Armand qui le font s’envoler, prolongent la dépendance, auditive et mentale, de l’auditeur. Mieux; ils l’accentuent. Et Electric survivor, dixième et dernier titre de cet album fantastique, nous injecte notre ultime dose de bonheur et de folie, magnifié par ces nappes de guitare, la voix toujours à part, la basse omniprésente et la frappe de Cyril qui donne du corps à l’ensemble. SLOY, un groupe dont la disparition laisse un grand vide, et qui, sur l’hexagone, voire même à l’échelle au moins européenne, ne trouvera aucun équivalent. Et un album en forme de consécration, même si les deux opus précédents avaient fait plus qu’asseoir la réputation du groupe. En ce qui me concerne, je n’ai qu’une chose à dire à ces trois-là: revenez ! Magique, obsédant et générateur de dépendance. Merci SLOY.
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