O_U_T_R_E_N_O_I_R n’est pas rose, son univers fantomatique vaut toutefois et largement le détour. Hybride, il emprunte à moults mouvances mais Marie Pierre Rixain et David Fenech, en duo imaginatif, s’affairent d’abord à creuser leur propre glaise. Insane Ghosts, en huit titres qu’il faut aller chercher, me fait songer, dans un premier temps, aux travaux récents de Kim Gordon. Non pas dans la similarité, en termes de contenu, mais dans l’esprit et dans la texture des sons et atmosphères. Anybody Else Awake ouvre dans le noir, des lézardes indus s’en échappent et le tempo, low, obsède. Dub, dirait-on, mais pas tant. La voix susurre, l’indus est de mise mais là encore, non exclusif. Les sons en décor vrillent, entêtants eux aussi. Le piège est refermé. Des guitares de nacre soufré s’illustrent. Captivant. Toi en Moi, plus lent encore, également grisé, brumeux dans le chant, se souille avec marque. Les climats attirent, on y reste figé. Pénétrant, Insane Ghosts déferle sans vitesse et n’a pas d’égal. Il bruisse, accentuant l’emprise.
Avec In a Vast Ocean, au pouls haletant, électro-dark, indus rythmiquement marqué, le projet largue un dub aux pouvoirs psychotropes certains. La recette erre, portant vite ses fruits. Elle s’emporte, sans trop en faire, puis pointe Paradise Party Life. Strié, céleste. Sans hâte il se déploie, s’étire, hausse la cadence. C’est dans le brouillard, socle efficient, que le tout prend vie. Noel Summerville – mastering, Antoine d’Agata – photographie et Elodie Boissau – graphisme, à l’appui des deux têtes pensantes, consolident le travail. Le morceau lâche des giclées, d’acide. O_U_T_R_E_N_O_I_R invente, défriche, en arrive à des contours inédits. It Is You, de voix cinglées, fait grandement effet. Insane Ghosts est maladif, psychiatrique, génialement délirant. La deuxième moitié du track accélère, vive. Excellent.
©Philippe Levy
On ne ressort pas indemne, vous l’aurez saisi, de ce disque-risques. Insane Ghosts, éponyme, à peine perceptible, mutant, le prouve. O_U_T_R_E_N_O_I_R se vit, autant qu’il s’écoute. Il pourrait nous perdre, mais au final nous gagne. Ici des corbeaux croassent, serait-ce la fin? Heureusement non puisque Take, de ses soubresauts nuptiaux, relance la machine. Son « Take » répété entre en tête, y demeure. Ses chapes aussi. C’est sur Des Soupirs en Pointillé que l’ouvrage prend fin, les textes un dernière fois titillent l’esprit. O_U_T_R_E_N_O_I_R, sans crier gare, jetant là les bases de créations en marge et hautement addictives.