Single en poche, l’artiste plurielle revient sur son parcours et la récente naissance de Mangladi…
1. Comment Mangladi a-t-il vu le jour, quels furent tes projets avant ça ? Est-ce à l’heure actuelle ta seule activité musicale et artistique ?
Mangladi repose sur des chansons écrites à des périodes très variées; certaines ont six ans, d’autres deux, et la recherche sonore, elle, est plus récente. Disons que les casseroles sont toujours sur le feu et parfois, je goûte un truc qui mijote depuis un moment. Le nom vient du mot basque qui désigne la « mangrove ». Comme j’aime les atmosphères subaquatiques troubles et cette possibilité de faune qui surnage, l’image était là, je l’ai gardée près de moi.
Je suis photographe depuis quatorze ans. Planquée derrière un appareil, j’ai la facilité de mettre en lumière autre chose que ma propre face. Mais bon, ça parle toujours un peu de soi. Côté musique, je joue depuis l’enfance mais je m’y suis mise sérieusement avec d’autres il y a dix ans, surtout en duo, trois fois, dont Nanë et Tannat. Avec Barnez Kanpo, on joue à quatre et c’est toujours actif.
Mon parcours a aussi été marqué par le collectif Scolopendre et la scène du Novo Local à Bordeaux. Pour la bidouille, le côté touche-à-tout, la folie, la finesse et l’humilité. Bref, Mangladi c’est une bifurcation un peu boueuse qui vient de tout ça, entre autres.
2. Mangladi marque-t-il pour toi une rupture avec « l’avant », ou s’inscrit-il dans sa continuité ?
Pas vraiment de rupture. Plutôt une nouvelle couche de vase à piétiner. J’ai toujours eu un fonctionnement intuitif et Mangladi s’inscrit dans cette continuité. Sauf que cette fois, je serai toute seule dans le radeau. Ce sera un peu plus brut, avec une nouvelle mise en jeu et un peu de contention sonore pour s’oublier.
3. Le clip de ton premier single sous l’étendard Mangladi, La Forêt (lien multiplateformes), est saisissant ! Qu’y exprimes-tu ? Tu t’y mets en scène, me semble-t-il. Comment as-tu vécu l’expérience ?
Mmm…ce morceau est une immersion dans des eaux sombres, il y a toujours cette idée d’hésitation entre plusieurs états, entre l’air et l’eau ou une sensation de flottement avec un petit goût de noyade.
Mettre en corps le clip, par moi-même, s’est imposé comme une évidence. J’ai commencé la danse contemporaine il y a quatre ans, c’est un moyen d’expression qui s’est rajouté spontanément aux autres, sans que je cherche vraiment à le théoriser. Une manière de continuer à approfondir l’intime et le sensoriel. C’était une expérience à la fois étrange et nécessaire, où le corps et le mouvement se relient pour parler d’insécurité.
Ces dernières années je poursuis mes explorations en mêlant photographie, vidéo et musique. Ça crée des espaces temporels plus immersifs et expérimentaux. Les sensations fortes augmentent. D’ailleurs quand j’ai la nausée je sais que je suis au bon endroit ! C’est une façon de se jouer des frontières, là où le son et l’image se répondent et s’amplifient mutuellement. Ça se transforme, sans forcément chercher à se figer. Ça devient un mouvement à part entière.
4. À quoi peut-on s’attendre après ce clip ?
À des variations de courant, peut-être plus fort, peut-être une marée basse plutôt brutale. Je vais continuer la recherche sonore, toujours en explorant ce territoire entre tension et relâchement, entre saturation et vide. Et puis en juin, il y a la tournée en solo, mais pas complètement seule. Je pars avec Trico et Tio Madrona, et quelque part, on a des terrains communs : une approche intuitive, un goût pour le bricolage sonore et une certain goût pour ce qui est un peu brut, un peu tordu.
Trico, c’est du boum-boum minimal, un dancefloor acoustico-électrique où il tricote ses rythmes avec des aiguilles et un tambour carré. Entre la distorsion et les boucles brutes, ça fait danser, mais pas forcément comme on l’attend. Tio Madrona, lui, navigue entre improvisation, field recordings et chant lyrique dans une langue qui oscille entre l’espagnol et l’inventé. Il y a de l’Andalousie, du flamenco, avec de l’énergie punk qui traîne et beaucoup de sagesse. Et oui, ça marche ensemble.
5. Tu as choisi Cœur sur toi, label marseillais tenu par Laurent Santi, pour assurer la sortie du single. J’approuve ! Comment es-tu entrée en relation avec lui, qu’est-ce qui explique ta décision ? Le format K7 peut-être ?
Alors les K7 j’ai toujours trouvé ça très classe en mains, mais n’ai toujours pas trouvé de lecteur… Et puis j’ai toujours préféré le CD, c’est mon adolescence. D’ailleurs quand c’est revenu c’était un vrai soulagement. Non, c’est plutôt Tony Geranno, qui a mixé La Forêt, qui m’a poussée à le contacter pour Tannat l’année dernière. Je ne connaissais pas du tout le label, mais quand j’ai découvert que Michael Potier y était, je me suis dit que j’étais au bon carrefour de la folie.