A quelque semaines de la sortie de son nouvel EP, « Chimère mécanique », la paire de l’Aisne répond à deux voix aux questions de Will Dum…
1. Tout d’abord qu’est-ce qui a motivé la formation d’Arc Bag ?
– Yohann : Et bien le hasard ! Je suis arrivé dans la région à la suite d’une mutation professionnelle. Je souhaitais monter un groupe mais je ne connaissais personne. J’ai donc posté une petite annonce sur un forum de musiciens et c’est Agnès qui a répondu. Tout simplement !
– Agnès : Je souhaitais recommencer un nouveau projet après un temps d’arrêt, donc on peut dire que c’était le bon timing et la bonne rencontre !
2. Votre formule, violon-batterie, est pour le moins singulière ! Comment vous y prenez-vous pour « marier » ces deux instruments ?
– Yohann : A vrai dire, cette formule n’a pas été pensée comme telle au départ. On pensait peut-être s’ouvrir à d’autres musiciens, mais chemin faisant, on a réalisé qu’il y avait pas mal de choses à proposer en restant à deux.
– Agnès : Au départ, on a boeuffé tous les deux, et pour avoir plus de consistance, j’enregistrais des boucles avec un looper. Mais parfois je jonglais entre violon, synthé, basse. Du coup, c’est autour de ces trois instruments qu’on a construit nos musiques. Mais avec une dominante pour le violon, car c’est mon instrument principal, et aussi parce que toutes les loops et effets que je rajoutais donnent tout le côté mélodique. J’aime bien aussi travailler sur l’alliance entre le violon, mélodique par nature, et la batterie, qui elle, est rythmique. Ainsi, mes riffs de violon sont parfois rythmiques, et la batterie de Yohann devient mélodique par l’utilisation des toms par exemple.
3. Votre nouvel EP, Chimère Mécanique, sort au printemps. Comment l’avez-vous travaillé, s’inscrit-il dans la continuité du précédent ou marque t-il une évolution vis à vis de ce dernier ?
– Yohann : Il marque une évolution. On avait le souhait d’abandonner le côté plutôt lisse et pop du premier EP pour produire un son plus rock, plus sombre, parfois plus agressif. Les sons électro et les parties de claviers sont aussi beaucoup plus présents. La cohérence entre tous les titres est également renforcée. Pour le premier EP, on avait aligné plus ou moins les quelques morceaux que l’on avait en stock, et l’enregistrement avait été réalisé en deux sessions distinctes. Cette fois-ci, tout a été fait d’un bloc. D’ailleurs, l’ensemble s’écoute volontiers d’une traite, comme un long morceau de rock prog’.
– Agnès : Je dirais les deux. Dans la continuité, car en fait il y a déjà une évolution au cours du premier qui inclut certains morceaux très bruts, et d’autres plus produits. Et donc là ça continue avec plus d’arrangements encore dans le nouveau. Mais comme le dit Yohann, il y a aussi quelque chose de nouveau dans cet EP! En fait je pense que ça marque l’évolution du setup avec les sons de synthé et de basse.
4. Quelle en est la matière, l’absence de chant n’est-elle pas une entrave au fait d’exprimer ce que vous ressentez ?
– Yohann : Le violon a la particularité d’être un instrument très émotif. Il peut pleurer et rire successivement. Pour nous, il fait office de voix. L’absence de textes n’est pas un handicap en soi puisque cela permet de nous concentrer sur les sons et les ambiances, et on a d’autant plus de place pour jouer nos instruments. Disons que l’on cherche à créer une bulle immersive à laquelle chacun pourra associer les images qu’il souhaite. Et d’ailleurs, même en l’absence de paroles, on se garde la possibilité de guider l’auditeur sur un chemin légèrement tracé, comme à travers les titres des morceaux, l’artwork de l’EP ou la structure des compositions qui enchaînent et superposent plusieurs motifs. Bref, bien que les mots se fassent rares, il est hors de question de s’ennuyer !
– Agnès : C’est une sorte de film musical. D’ailleurs, c’est peut-être pour cela que nos morceaux sont assez longs (5-6mn), le temps d’installer tout le climat sonore. Venant du classique par ma formation, j’ai l’habitude d’écouter des morceaux instrumentaux. Et quand j’écoute des musiques actuelles, même si le texte a son importance, je suis surtout attirée par le côté mélodique / rythmique. Je pense que la musique a un pouvoir au-delà des mots.
5. Double-Dièse (ARA de Roubaix), Stéréo (La Manufacture de St Quentin) et un coaching scénique auprès de Julie Gomel (The Buns, The Tiki Sisters) constituent jusqu’alors les accompagnements dont vous avez fait l’objet, que vous ont-ils apporté ?
– Yohann : Beaucoup ! L’accompagnement de l’ARA nous a permis de défricher un peu ce que l’on pouvait réaliser à deux, et de pallier les premiers problèmes techniques comme la gestion des boucles de violon. Stéréo a été pour nous le passage à une automatisation beaucoup plus poussée grâce à l’utilisation du logiciel Ableton. L’accompagnement nous a aussi permis de définir plus finement notre style, notamment à travers l’intégration d’effets et de samples. Enfin, Julie nous a donné plein de conseils pour gérer les placements sur scène et la scénarisation de notre set (notamment en l’absence de textes comme développé plus haut…).
– Agnès : Les deux accompagnements ont été parfaits, parce qu’ils correspondaient à ce dont on avait besoin. L’ARA à la sortie du Covid pour prendre confiance en ce projet, Stéréo pour me pousser à apprendre à utiliser Ableton Live que je ne connaissais pas. J’avoue que toute la partie programmation a été galère, notamment la synchronisation des loops, donc c’est chouette aussi d’être entourés de personnes qui croient en l’originalité du projet. Quant au coaching de Julie, c’est nous qui l’avons appelée car on avait vraiment besoin de gérer l’espace scénique et le contact avec le public. En fait, j’avais toujours joué en tant qu’accompagnement dans un groupe, Yohann aussi, et là, on se retrouve tous les deux en lead.
6. S’agissant du live, quel regard portez-vous sur ceux qui jusqu’à aujourd’hui ont jalonné votre avancée ? J’ai d’ailleurs réellement aimé votre prestation à la Lune des Pirates, dans ma et votre ville, en octobre 2023…comment l’avez-vous vécue de votre côté ?
(NB : on n’est pas d’Amiens, mais de l’Aisne, Laon et Chauny…)
– Agnès : Chaque live a marqué des étapes. On s’est plantés sur certains, notamment à cause de problèmes techniques, surtout au moment où je suis passée d’une loopstation aux boucles midi qui passent par Ableton. On aurait aimé faire meilleure impression pour ces quelques dates, mais c’était des étapes ; c’est quand même un peu technique le fait de s’enregistrer en live (mon violon en looping). Chaque live nous fait prendre conscience de ce qu’il faut retravailler, de ce qu’il manque, de nos points forts et de nos faiblesses. Ce qui fait plaisir c’est qu’on a de bons échos de personnes qui nous découvrent, et qui sont d’univers très différents. C’est cool. Après on ne va pas se mentir, être programmés en tant que groupe de compo de musique instrumentale, c’est compliqué. Il faut qu’on prouve encore plus ce que ça vaut.
On était hyper contents de venir à la Lune des Pirates, c’était un bon moment. On sait que depuis il y a déjà eu du chemin, notamment au niveau du déroulement du set. Maintenant on pense le set dans sa globalité, avec des enchaînements, des transitions etc, alors qu’avant on était focalisés morceau par morceau.
– Yohann : Je rejoins Agnès sur la dimension « work in progress » de nos premiers lives. Ces derniers nous ont permis d’évaluer ce qui était faisable à deux et de modifier des choses en conséquence. Maintenant, c’est beaucoup plus cadré et solide techniquement. On sait mieux où l’on va et ce que l’on souhaite faire. Comme l’a mentionné Agnès, notre formation dénote quelque peu. On ne correspondra définitivement pas aux attentes de tout le monde mais on aime le challenge ! Et les retours sont là : souvent la surprise (« Je ne m’attendais pas du tout à ça en voyant un duo violon-batterie…») ou un intérêt prononcé pour ce que l’on propose venant de gens aux profils très différents. La Lune des Pirates est un super lieu amiénois et on a beaucoup apprécié d’y jouer. L’interview post-concert par les équipes de Bruits de Lune a aussi été une bonne opportunité d’expliquer ce que l’on fait (comme maintenant en fait !).