Jericho en poche, à sortir début mars et truffé de guests performants, Animal Triste s’épanche au mic de Will Dum (photos Yann Orhan)….
1) Déjà le troisième album, la route s’étend ! Quel regard portez-vous sur votre avancée jusqu’alors ?
Un regard assez étonné, pour être tout à fait sincère. Ce groupe s’est formé sans aucune forme de calcul, juste le plaisir d’être ensemble et faire la musique pour laquelle nous respirons. Et à peine quatre ans plus tard, nous voici avec un 3ᵉ album et des invités prestigieux que nous adorons et qui nous ont construits. C’est un long chemin pour faire un disque, aller jusqu’au bout de la démarche. Avec Animal Triste, c’est tellement plus simple qu’avec tous les autres projets que j’ai eus ou que j’ai pu côtoyer. Il y a quelque chose de l’ordre de la rédemption, ce groupe existe pour qu’on aille mieux ; alors le regard qu’on porte sur cette avancée, c’est un regard amusé – d’en être arrivé là rien que par la joie – et une forme de fierté tout en retenue d’être si libres.
2) Ce nouvel opus, Jericho, convie Alain Johannes (Queens Of The Stone Age, Pj Harvey), Peter Hayes (Black Motorcycle Club) et Marina Hands (Comédie Française). Pourquoi ces choix et comment avez-vous pu les attirer dans vos filets ?
Peter, c’est un peu notre cousin d’Amérique ; on lui doit beaucoup artistiquement. On avait déjà collaboré sur le précédent opus, et quand je lui ai envoyé les démos du 3ᵉ disque, juste par plaisir de partager du son, il a très vite proposé des choses de lui-même. Pour Alain Johannes, la rencontre s’est faite via Yann Orhan, à qui on doit aussi tout l’artwork. Ils se connaissaient depuis un bail, et ça lui semblait évident qu’on bosse ensemble. On est tous des fans absolus d’Alain. Il a joué (et produit) tellement d’albums qui sont des actes fondateurs de nos vies (Lanegan, PJ Harvey, QOTSA) qu’on n’osait même pas imaginer une collab’.
Et pourtant, dès qu’on a commencé à se parler – il parle un bon français d’ailleurs- ça a tout de suite matché. Quand on a reçu ses voix, nous avons été très très émus.
Marina est une amie de longue date, on est vraiment fan de son travail, mais surtout de la personne. Elle a une démarche artistique au théâtre ou au cinéma d’une sincérité folle, et on partage énormément de gouts musicaux ensemble. Comme nous savions qu’elle écrivait aussi des textes, ça nous a semblé tout naturel de lui proposer de poser sa voix sur « Jericho« .
3) Comment s’est déroulé le travail commun, quel a été l’apport de ces « guests » renommés ?
Pour Peter, ça a été sous forme de propositions spontanées. Je lui ai envoyé des maquettes pour avoir ses avis, et quelques jours plus tard, on recevait des pièces jointes avec ses pistes noisy, accompagnées d’un joli message disant « J’ai pensé à vous ». Ce type est un lord. Alain, on s’est beaucoup parlé, il a une vie folle, jamais au même endroit d’une semaine sur l’autre, toujours en studio, en concert etc… mais on s’écrit beaucoup et on s’appelle. Il a suggéré des guitares sur « The real Kanye West » qui ont absolument retourné le titre qui était dans une impasse. Puis on lui a demandé s’il voulait chanter, il a tout de suite choisi « River of lies » qu’il trouvait « badass ». Pour Marina, on savait plus exactement ce qu’on voulait, le passage en question était pour elle, elle est venue avec son texte et son interprétation.
4) Comment l’album a t-il pris forme ? Aviez-vous une idée précise, au départ, de la coloration musicale à lui donner ?
Aucune idée précise. Franchement, c’est le but de ce groupe, ne rien prévoir pour se surprendre. On ne garde que ce qui est bien, le reste ça part aux oubliettes. On a plus l’âge pour s’emmerder avec de la soupe tiède. Quand on relance le processus de création, le but, c’est qu’on soit complètement exalté. Si on est juste satisfait, c’est que ça n’en vaut pas la peine.
Du coup on va loin, on s’autorise tout, on lance toutes nos idées et on regarde où ça tombe
5) Je trouve ce Jericho varié, aussi puissant par moments qu’apaisé à d’autres. Quelles émotions, quels thèmes véhicule t-il ?
Des émotions non neutres, c’est ça le plus important. Il faut que ça respire, que ça s’agite, que ça vive fort, que ça soit déchirant si c’est triste, et que ça soit violent si c’est en colère. J’aime bien l’idée qu’un album soit comme un torrent qui descend la vallée à pleine balle. Parfois ça déborde, ça jaillit et puis ça se calme. Mais c’est toujours en mouvement et ça ne se regarde pas.
Il me semble aussi, à l’écoute, qu’ Animal Triste a franchi un palier, qu’il est désormais plus qualitatif encore, équilibré, d’un impact renouvelé. Qu’en pensez-vous ?
Merci infiniment. Ça fait plaisir de le lire, parce que c’est aussi ce qu’on a cherché : progresser, devenir de meilleurs musiciens, de meilleurs compositeurs et de meilleurs êtres humains. Si ça s’entend sur le disque, c’est qu’on n’a pas tout à fait échoué.
6) Que vous apporte votre ville, Rouen, que je sais riche en groupes rock (au sens large et en toute diversité) ? Y prévoyez-vous des évènements destinés à marquer la sortie de Jericho ?
Notre Seattle Normand. Nécessairement, ça nous imprègne. On n’est pas d’un pays, mais on est d’une ville, et celle-ci est particulièrement vivace dès lors qu’il s’agit de musique amplifiée. Il suffit que je quitte la ville pour quelques mois et quand je reviens, j’ai l’impression qu’il y a trois nouveaux groupes qui ont poussé. En ce moment il y a un revival grunge crado qui est assez marrant à suivre, j’ai l’impression d’entendre du Fugazi s’échapper des caves de la ville et en vrai ça fait plaisir.
On a eu cette date au 106 fin février, avec tellement de monde pour fêter la sortie de l’album en avance, c’était fou !!
On prévoit d’autres évènements pour l’année, je ne peux pas encore tout vous dire. Mais oui, il va se passer des choses. On va fêter aussi la sortie du disque à la Maroquinerie à Paris, avec Duke Garwood, autre camarade d’Alain Johannes et du regretté Lanegan. Venez toutes et tous, il y a moyen qu’on soit bien.
Et surout, merci Muzzart d’être là, je ne sais pas si on dit assez à quel point c’est précieux.
On n’est pas seul, nous sommes plein.
Love
Pochette Jericho