Nouveau projet amorcé, clip en poche et colère en bandoulière, Marvin Borges-Soares évoque Split au mic de Will Dum…
1) Salut Marvin ! Tu annonces à la surprise générale un nouveau projet, Split, et ton départ de Structures. Qu’est-ce qui a motivé ta décision ? Que tires-tu de toutes ces années passées avec Structures, que je sais intenses et fructueuses pour les avoir vécues live à moult reprises et par le biais de vos sorties discographiques respectives ?
Salut Will! Comme tu le sais, avec Structures, ça n’a jamais été facile. Que ce soit à 4 comme à 2, on a toujours rencontré des problèmes. Malgré ça, je sors de cette expérience grandi et plus motivé que jamais. J’ai vécu avec tous (et toutes) de super moments. J’avais juste vraiment besoin de passer à autre chose et de tourner la page. C’était devenu trop difficile pour moi depuis pas mal de temps de continuer, que ce soit pour ma santé mentale ou autant sur le plan artistique que personnel.
2) For Fuck’s Sake est le premier single de Split, sorti le 12 décembre. À l’écoute, après m’être relevé de ce choc hardcore-punk terrassant, j’y entends colère et désir d’interpeller, de secouer les consciences. De quoi traites-tu au juste dans le texte ? D’où t’est venue cette matière « inflammable » qui nourrit pour le coup ta plume ?
Alors, cette matière m’est venue de ma propre expérience et de celle de mes amis. Le désir d’interpeller, c’est surtout celui de vouloir se protéger soi-même ainsi que ses proches. De là où je viens (Amiens) ou là où je réside (Rouen), j’ai vécu des choses assez similaires : le désir de vouloir s’émanciper d’une ville devenue trop petite pour soi, et la contradiction de s’enfermer dans quelque chose de confortable et d’y développer des comportements addictifs. Que ce soit moi ou des amis, je pense qu’on a tous ressenti ça à un moment donné. For Fuck’s Sake traite de ça : l’envie de s’en sortir et de devenir ce que tu aimerais être, tout en regardant dans le rétroviseur cette personne que tu étais et que tu n’aimes pas.
C’est difficile, quand tu es entré dans un cercle ou une routine, de passer à autre chose. On ne s’en rend souvent pas compte. On commence à procrastiner, à sortir de plus en plus, à se faire du mal à soi et à s’oublier un peu. Ça peut prendre beaucoup de temps pour s’en rendre compte. FFS, c’est un peu cette prise de conscience où tu te dis : « Merde, je n’ai pas envie de finir comme ça, bordel. » En ce qui concerne le hardcore, c’est vraiment la musique parfaite pour le combat et la résistance, un état d’esprit et ce que j’écoute depuis quelques temps maintenant. Je ne me voyais pas faire autre chose car, pour moi, c’est devenu instinctif et le plus approprié pour retranscrire ce qui se passe dans ma tête.
3) L’artwork de ce For Fuck’s Sake semble provenir d’une friche industrielle. Comment a-t-il été pensé et conçu ? Quel en est le sens ?
Alors, pas du tout, mais j’aime ta façon de voir les choses. Pour la petite histoire, c’est juste la photo d’une porte de toilettes d’un restaurant japonais, que j’ai prise à New York et que j’ai retouchée moi-même. On peut y voir un symbole (qui veut dire probablement « Femme » en japonais), car en me renseignant sur ce symbole, je me suis rendu compte que je m’étais trompé de toilettes. Heureusement il n’y avait personne, ça aurait été un peu embarrassant. Ça ne veut pas vraiment dire grand-chose. Je trouvais juste que ce resto (Le Kenka) avait beaucoup d’allure, en plus d’être peu cher et très bon. Cette porte me parlait. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai trouvé ça à mon goût, alors je l’ai prise en photo. Les toilettes étaient taguées de partout et au plafond, il y avait un néon rouge qui donnait cette ambiance de vieux club un peu glauque. Je prends rarement des photos, mais ça m’a inspiré quelque chose.
4) Split est à mon sens cathartique, voire thérapeutique, et support à l’autocritique pour ceux qu’il a « dans le viseur ». Qu’en penses-tu ?
Dans SPLIT, pas mal de sujets sont pointés du doigt : les addictions, l’ennui, la dépression, la mort, la violence, la précarité, etc. Ce sont des sujets qui traitent de ma vie perso et de celle de mon entourage, et ça me tient à cœur d’en parler. Il y a une part d’autocritique, comme dans For Fuck’s Sake ou d’autres titres que vous découvrirez, mais il y a surtout une envie de dénoncer un fonctionnement, des maux, et des choses qui ne sont pas, ou du moins plus, acceptables dans notre société. Ces chansons, c’est un peu le coup de poing dans la gueule que j’aimerais mettre à Emmanuel Macron.
5) Es-tu seul à bord de Split, basé à Rouen, qui, c’est bien connu, est une ville fertile en termes de groupes rock de tous bords ? Que t’apporte, d’ailleurs, le fait d’y résider ? Et que penses-tu du nouveau We Hate You Please Die, que j’ai eu grand bonheur à chroniquer à sa sortie ? 🙂
Avec SPLIT, je ne suis pas seul. C’est mon projet et j’ai écrit, composé tous les titres, mais j’ai des gens formidables qui m’ont soutenu et avec qui j’ai travaillé sur ce disque, comme Marc Lebreuilly (Syqlone – Unschooling), qui m’a été d’une grande aide pour mettre en place tout ce qu’il y avait dans ma tête et mon GarageBand. Mais aussi les gens que vous découvrirez et qui jouent avec moi sur scène : Lucas Ramos (basse), Alex Delamare (guitare), Lully Gaster (guitare) et Jérémy Cortes (batterie).
Le fait de résider à Rouen m’a apporté des amis et l’envie de faire partie de cette scène que je soutiens à fond à leurs côtés. Je pense évidemment à We Hate You Please Die, Servo, Dye Crap, Unschooling, qui ont été importants pour moi à mon arrivée, mais aussi à tous ceux à venir.
Aujourd’hui, je me sens Rouennais. J’ai écrit l’album à Rouen, le groupe est né ici, j’ai envie d’être acteur de cette scène. Il y a aussi évidemment les lieux que nous fréquentons régulièrement, comme le 106 et le 3 Pièces, qui font en sorte que les groupes puissent jouer et être soutenus. Ce qui est très important quand on parle de scène, car sans eux ce serait compliqué. Pour ce qui est du dernier We Hate You Please Die, j’ai suivi attentivement la conception de l’album, de la compo au mix, et je suis extrêmement fier d’eux, du chemin parcouru et du disque, qui est super. Je pense qu’ils ont enfin trouvé quelque chose qui les représente au mieux et ils en sont très contents. Moi, si ma famille est heureuse, je le suis aussi.
6) À quoi peut-on s’attendre après le premier single de Split ? J’ai cru comprendre que tu travaillais à développer Split depuis un an déjà, ça génère de la matière, je suppose… ?
Des singles, des clips ainsi qu’une live session vont sortir, et un album est prévu pour 2025. J’ai très hâte de le partager, mais il faut savoir être patient. J’ai commencé à écrire en septembre 2023. J’ai travaillé pendant un an dans mon coin, en attendant de pouvoir me consacrer à ce qui va probablement être un de ces choses dont je suis le plus fier. J’ai eu pas mal de moments de doute, de remises en question (normal quand on travaille seul), puis tout s’est éclairci en juin dernier quand j’ai décidé de l’enregistrer avec Marc et Lucas. J’avais vraiment besoin de soutien, et ils m’en ont apporté beaucoup, tout comme Alex, qui est venu très souvent au studio et m’a apporté sa vision. Maintenant, le disque est en mix avec Maxime Maurel, et les singles ont été masterisés par David Cuckier. Il sera bientôt prêt et on est tous très contents de ce que nous faisons. On a vraiment hâte de le partager et, avec Lucie Marmiesse, notre attachée de presse, on compte le faire découvrir au plus grand nombre.
7) Il t’arrive de repasser à Amiens, à la Péniche Célestine, par exemple, où tu as (activement d’ailleurs ! héhé) assisté au show tout récent de Frustration. Quel regard portes-tu sur la ville, ses lieux et groupes, qui, à l’image de ceux de Rouen, existent en nombre élevé ?
Je reviens souvent à Amiens car c’est là où je suis né. C’est dans mon sang, j’en ai besoin. Je n’ai jamais été très loin de la ville, même quand j’habitais à Paris (avant de m’installer à Rouen). J’y ai encore de nombreux amis, l’ASC que je supporte, ma famille et des concerts à aller voir, que ce soit à La Lune ou à la Péniche, que j’ai découverte plus récemment. Mon regard est intact. Je suis très content que des gens entreprennent et entretiennent des choses dans le secteur culturel, que ce soit Antoine Grillon et toute l’équipe de La Lune, ou alors Niko et Fil avec la Péniche Célestine. Il y a aussi beaucoup d’autres acteurs comme Mario Desbureaux, qui fait jouer des groupes super par le biais de son asso (Tête Froide) dans différents endroits à Amiens. L’Accueil Froid aussi et Les Yeux font de belles choses pour la scène alternative.
Je n’ai que trop peu souvent l’occasion, malheureusement, d’aller dans tous ces lieux qui font qu’Amiens est une ville active culturellement parlant. Politiquement, je m’y retrouve aussi avec Picardie Debout et François Ruffin, que je suis depuis 2017 et que je soutiens toujours pour le travail qu’il a accompli jusqu’ici, même s’il est loin d’être fini au vu des derniers résultats aux élections législatives. Big up au BDM, au Café Pinson, au Café, à la Taverne Elektrik et au Goodness qui, je pense, participent aussi à ce que la ville bouge.
8) Verra-t-on, pour finir, Split à Amiens ? Nous avons hâte ! 🙂
Alors, je te laisse voir ça avec les programmateurs de la ville, mais bien sûr, c’est dans les tuyaux. Et comme toujours, ce sera avec grand plaisir et beaucoup d’émotions que j’aimerais revenir jouer à Amiens !
Artwork For Fucks Sake
Photos Charlotte Romer