Clip en boite, album prêt à rugir, Coilguns répond à plusieurs voix aux questions de Will Dum….
1. Album en vue, prévu pour novembre, clip déjà d’ores et en poche ! L’actu Coilguns est chargée, pouvez-vous nous dire comment s’est déroulé l’enregistrement de l’opus ? Idem pour le clip, qu’avez-vous tenté d’y insuffler ?
[KEVIN] L’enregistrement de ce disque, c’était un rêve d’ado. Un studio littéralement incroyable sur une île norvégienne, un Californien derrière la vitre qui nous aide à réaliser ça, des baignades matinales dans la mer hyper froide et du whisky le soir dans un jacuzzi sous le soleil de minuit ? Ça paraît indécent, rien que d’écrire cette phrase, plus de deux ans après. Mais en même temps, c’était un travail titanesque. On a fini les prises live en cinq jours, et tout le reste des trois semaines, on a construit un deuxième studio dans ma chambre avec Louis. Pendant que Jona faisait un maximum de guitares avec Scott, nous, on faisait des synthés, des voix, des percussions, des bruits bizarres…
Donc, si on veut bien, ce n’est pas trois semaines de boulot, mais plutôt cinq condensées en trois. Et le soleil de minuit fait que tu perds la notion du temps et tu te retrouves vite à faire des journées de 14 heures de taf.
[LUC] C’est une nouvelle version d’un album de Coilguns. L’entièreté du processus a été différente de tout ce qu’on a fait auparavant. L’écriture des morceaux, la manière dont ils ont été écrits, l’enregistrement et le mixage : nous avons exploré de nouveaux territoires à tous les niveaux. C’était une expérience humaine mémorable. Scott est un technicien/musicien au talent infini doublé d’une humanité immense. Le courant est parfaitement passé entre lui et nous. Personnellement, ça m’a vite beaucoup rassuré car le fait d’aller faire ce disque avec quelqu’un qu’on n’avait jamais rencontré me stressait un peu.
Scott, c’est le couteau suisse américain par excellence. C’est une encyclopédie de tout le matériel qu’on peut trouver en studio. Nous avons énormément profité et appris de son expérience. Il avait toujours des idées, des conseils et des solutions à n’importe quel problème/question.
2. Ce Odd love marque de toute évidence une implication plus marquée, de la part du groupe, dans la production. Comment en êtes-vous arrivés là ?
[JONA] En fait, c’est surtout la première fois qu’on a impliqué autant de gens tout au long du processus. On pourrait presque dire qu’on a été un peu moins impliqués, dans le sens où d’autres personnes ont apporté leur touche. La vraie différence, c’est qu’on a pris presque deux ans pour finir la composition et la pré-production, avec des envies et une approche différente par rapport aux disques précédents.
Pour notre dernier album Watchwinders, en 2019, on avait eu seulement quatre semaines pour tout faire : écrire, enregistrer, mixer, masteriser – avec en plus la tournée de vernissage prévue neuf mois plus tard déjà organisée. C’était intense, et la pression était énorme.
Cette année-là (2019), on a vraiment ressenti qu’on touchait un peu le plafond de ce qu’on pouvait faire seuls. C’est là qu’impliquer d’autres personnes à différentes étapes a changé la donne : non seulement on a pu prendre plus de temps, mais on a aussi pu explorer notre musique et notre manière de la jouer dans les moindres détails. Le fait d’être libérés de presque toutes les contraintes techniques pendant l’enregistrement nous a permis de nous concentrer entièrement sur la façon dont on jouait ensemble et sur écouter les prises et les sons attentivement. Quand on bloquait sur quelque chose, on n’était pas livrés à nous-mêmes : Scott était là pour nous aider, que ce soit sur le plan technique ou artistique.
Comme on n’aime pas stagner, le fait de sentir qu’on risquait de tourner en rond si on refaisait un disque seul nous a poussés à creuser plus loin, à se challenger sur la composition et l’interprétation. Et puis, travailler aux côtés de quelqu’un comme Scott ou Tom Dalgety, qui a mixé l’album, c’est comme s’offrir un atelier méga personnalisé avec des gens dont on admire le travail.
Au final non seulement on a créé un disque qui nous a réunis dans le cadre d’une aventure humaine incroyable, mais en plus de ça on en revient avec des outils et des astuces qui vont nous servir pour bien des années à venir.
3. Quels sont les thèmes abordés dans l’album, privilégiez-vous une « coloration » plus particulière en fonction des sujets traités ?
[LOUIS] Odd love (étrange amour) est une façon de résumer notre rapport à la musique, au business qui la régit et à notre vie de groupe en général. On est souvent assez stupéfait de réaliser la longévité de ce groupe et l’importance qu’il a pris dans nos vies. Surtout si on pense à la manière complètement hasardeuse dont il a démarré. Cette musique nous aide à digérer toutes sortes d’émotions et de phases de vie qu’on traverse, lourdes ou légères. L’étrangeté a toujours été notre normalité, et l’amour est le moteur qui nous y maintient. On a mis du temps à se trouver une place au sein du paysage musical, parce qu’on n’a jamais trop cru aux scènes et aux modes. Notre intuition c’était de monter sur scène et de tout casser. On a assez vite réalisé que ce n’était pas le meilleur business plan.
Avec les années, on a appris à apprécier notre propre incompatibilité avec le monde qui nous entoure, et à en faire une sorte de moteur pour aller vers les autres. Cela nous a notamment poussés à monter notre propre label, à tout apprendre par nous-mêmes, à créer nos propres outils et astuces pour rendre compréhensible ce qui était évident pour nous mais trop bizarre pour les autres. En chemin on a appris à nous aimer pour ce qu’on est : un groupe de noise étrange sorti sur un coup de tête d’une petite ville horlogère.
4. Le disque sonne féroce, cependant des passages tempérés apparaissent comme sur Featherweight, par exemple, et le panel musical parcouru reste étendu. Coilguns est-il une formation « à contrastes » ou tout au moins, un projet prompt à faire évoluer son spectre sonore?
[LUC] Oui, bien sûr. L’envie générale est de s’orienter de plus en plus vers un son rock très noise et punk, et de s’éloigner un peu de nos influences des premières heures très dures comme Converge, Cursed ou Breach (sans pour autant les mettre à la poubelle). Les discussions entre nous parlaient plutôt d’écrire un album avec vraiment des « morceaux » qui seraient susceptibles de parler à un plus large public plutôt que de chercher la violence la plus noise possible, comme c’était beaucoup le cas avant. Les lignes plus mélodiques et les voix claires sont une conséquence directe de ces choix artistiques.
[KEVIN] Avant de rejoindre ce groupe, je l’ai beaucoup écouté, et mon impression en comparant Odd Love au reste de la discographie, c’est que clairement la dernière couche de peinture a changé au fil du temps (la manière dont c’est mixé, par exemple). Et évidemment, le songwriting a évolué puisque les gens qui écrivent la musique ne sont plus au même endroit de leur vie. Mais cette “tempérance” et ces contrastes dont tu parles, pour moi, ils font partie de l’ADN du groupe depuis le tout début. Sur tous les disques (sauf peut-être le tout premier EP), il y a des morceaux qui essaient des choses qui sortent de ce à quoi on pourrait s’attendre.
5. A quoi avez-vous consacré l’été si ce n’est peaufiner l’opus, je présume ? Y-a t-il eu quelques festivals et si oui, quels en ont été les temps forts ? Ou au contraire, des temps de « prélassement » où l’occasion de retomber s’est présentée ?
[LUC] Peu de concerts avec Coilguns. Personnellement, je planifiais un gros déménagement, passé du temps en studio pour enregistrer les parties de batterie sur le nouvel album d’un autre artiste du label et fait quelques concerts avec un autre de mes groupes. Jona était au turbin pour Coilguns afin de synchroniser les sorties de singles et autres tâches de l’ombre.
6. Ca fait une bonne dizaine d’années, désormais, que Coilguns sort des disques. Quel regard portez-vous sur cette carrière déjà bien assise ?
[LUC] À mon avis, quand t’as trouvé les bonnes personnes avec qui accomplir des choses, tu ne les lâches plus. Une amitié franche et à toute épreuve et des ambitions partagées, se donner les moyens d’atteindre nos buts. Je suis fier de ce qu’on a accompli et de faire partie de cette bande d’humains.
Photos Andy Ford