Fébrilement attendu, le The Cure nouveau fut l’objet de spéculations en tous genres, dont perçait crainte et espoir. Aujourd’hui ce Songs Of A Lost World assez bluffant, dont l’ambiance générale m’évoque très largement le légendaire Disintegration, en d’autres méandres Kiss me Kiss me Kiss me, comble tout le monde et dans la neurasthénie synonyme de lucidité sur un monde décrépi, déroule huit titres majestueux. Alone, lancinant, jonché de montées de claviers chloroformés, ouvre d’ailleurs dans un déroulé cotonneux. On l’y suit bien volontiers, au gré de souvenirs qui tout de même, remontent aux 80’s. Il n’empêche que The Cure, s’il débute dans la Désintégration, offrira ensuite quelques soubresauts de choix et globalement, s’en tirera avec les honneurs. Le chant s’égrène, épars, puis And Nothing is Forever suit une voie à la texture similaire, que la batterie anime toutefois. Le climat prend, insidieusement, et la magie débute son œuvre. La touche The Cure sans empressement opère, A Fragile Thing nous réservant une « turbulence » ouatée digne de Smith et consorts. The Cure, renouvelé, balaye toute forme de doute. Ses belles notes s’incrustent, décisives. Warsong, d’un rock plombé, griffu mais dans la classe, conforte la (très) bonne impression laissée par l’ensemble. Les guitares se distordent, la voix mêle douleur et émoi. Le rendu est beau, intensément beau.
Drone:No Drone, rock lui aussi, rude et grinçant, collisionne l’apparente tranquillité de l’opus. Il le valorise d’autant plus, là aussi les guitares hurlent et les vocaux sortent de leur torpeur. L’issue parle d’elle-même, acidulée. I Can Never Say Goodbye, s’il renoue avec une certaine forme de « sérénité », se pare néanmoins d’éléments plus râpeux, plus tranchants. L’équilibre est trouvé, la qualité perpétuée. On sombre, avec délices, dans ce Songs Of A Lost World incontestablement réussi. J’escomptais secrètement, je l’avoue, un The Cure sauvage, cold, débridé. Je suis malgré tout comblé, séduit sans retour par le contenu proposé. All I Ever Am, sous couvert de vagues rock racées, syncopées, valide l’ensemble. The Cure revient et convainc, sans fautes ni ennui, en laissant le soin à un Endsong étiré de conclure son effort. Ce serait presque, à bien s’en draper, la pièce majeure du tout, aussi hirsute que rêveuse. Elle borde l’album, quoiqu’il en soit, avec brio, torturée en sa fin, pour tromper seize ans d’expectative ici grandement récompensée.