Sinaïve est l’un de nos fleurons, après quelques EPs il nous gratifie d’un premier album valable. Il s’appelle Pop Moderne, Le trio franco-colombien basé à Strasbourg y fait merveille. (SS) Superstar en ouvre l’antre sur des tons fins et un rythme à peine perceptible, mais bien lancé. Le chant y est doux mais vite, la cadence cogne davantage et l’enrobage se durcit. Entre amical des vocaux et rudesse grandissante de l’étayage, on a là un premier pavé estimable que sa musicalité ébouriffée honore. Vivra sa vie suit, shoegaze, sur guitares noisy pour ensuite murmurer. Sinaïve tient ses rênes, construit ici une lancinance bruitiste subtile. Convergence, en troisième place, marie voix de femme songeuse et fond haletant. Les mélodies font mouche. Le terme se zèbre, crissant à souhait. Les voix demeurent sucrées, dans la rêverie. Magnifique. On se donne, on s’abandonne, à ce Pop Moderne concluant. Élégie (Tant de Saisons), yéyé crépitant, noisy et dreamy dans les bouches, solidifie lui aussi le tout. Velvétine y pose sa patine, on dirait le Velvet de l’est français. Art Babel créée un tapage au ralenti, pas moins goûtable.
Sinaïve, pour son tout premier LP, est loin de trébucher. Le Corps Éclectique, pop à guitares souillées, se déploie paresseusement. C’est une éruption sans hâte, angélique en termes de chant, boueuse dans les notes. Parfait. Providence tout pareil, d’étoffe électro-pop aérienne cotonnée par ses guitares. Dasein (Oder nie sein), d’abord flou dans ses contours, trace une route post-punk/kraut bardée de cold. Poppy, les voix l’allègent mais des embardées bourrues le relèvent. Tout tient la route, sur ce Pop Moderne, et la maîtrise règne. Être sans Avoir ondule pépère, shoegaze céleste. Le disque est de qualité optimale; Avenir, Next et sa vitesse de jeu boursoufflée le conclut sans dénoter le moins du monde. Là encore, le rendu « turbule » et s’entoure d’un fond aussi bruyant que brillant, à l’issue d’un Pop Moderne qualifiable d’irréprochable.
©Marie Lagabbe