Nouvel album en poche, NONSTOP répond aux questions de Will Dum….
1. Nonstop, vraiment ? Au vu de ton parcours discographique, émaillé par deux albums puis un hiatus prolongé avant un retour inattendu, on en douterait presque ! Qu’est-ce qui explique ce « creux » puis ce come-back ponctué, d’ailleurs, par un excellent Zyklon Bio il y a quelques années déjà ?
Je fais de la musique en amateur. Ce n’est pas mon gagne-pain. J’en fais quand j’en ai envie. Et il se trouve que pendant une dizaine d’années je n’ai pas ressenti le besoin de m’y remettre… jusqu’à Zyklon Bio, commencé pendant le confinement en 2020 et qui est sorti en 2022. On a pris tellement de plaisir à faire ce disque, avec Renan Guilcher, qu’on a eu envie de continuer et c’est à partir de cette envie qu’est né Alien au pays des aliénés. Pour ceux que ça intéresse, et parce que j’ai horreur de me répéter, j’ai déjà répondu à cette question plus largement ICI…
2. Comment est né Nonstop ? J’ai la nette impression que la saloperie de l’époque a joué sur la survenue du projet…
Oui mais ça, c’était avant les JO et l’arrivée de Michel Barnier… Oui Nonstop est, en partie, une réaction face à l’absurdité du monde dans lequel, inexorablement, on avance. Un monde qui n’a d’autre destin que de s’autodétruire. Alors encourageons ce vieux monde à s’autodétruire avant qu’il nous détruise. Qu’il se suicide tout seul, comme un grand. En bon gestionnaire, en bon père de famille. Et à nous de regarder ailleurs et zoomer sur l’essentiel. Si tu mets un diamant dans une boite, ça devient une boite à bijoux. Si tu y mets des déchets, ça devient une poubelle. C’est pareil dans nos têtes. On devient les pensées et les croyances qu’on nous impose.
3. A part créer la matière Nonstop, quel est ton rapport à l’univers du son, de la « zik » ? Les autres domaines auxquels tu t’attelles nourrissent-ils Nonstop ?
Je travaille dans une bibliothèque donc la musique, les films, les livres font partie intégrante de ma vie…mais pas que ! Je me nourris également de toutes les horreurs que je peux trouver sur les chaines de la TNT et sur Youtube ! Et j’obtiens ainsi une alimentation équilibrée et bien ancrée dans notre époque. Cette surconsommation télévisuelle me permet de mieux appréhender les artifices qu’on nous imprime dans le crâne, dans le but de nous faire croire à des choses qui n’existent pas. C’est cette aliénation omniprésente que j’évoque dans Alien au pays des aliénés. Toutes ces petites touches qui altèrent au quotidien notre vision de la vie. Toutes ces croyances entretenues à longueur de journées dans la plupart des médias, qui entrainent chez leurs spectateurs (et futurs électeurs) une demande de résolutions de problèmes qui n’en sont pas vraiment. Une fenêtre d’Overton qui s’ouvre et se ferme sans cesse, comme dans une vieille pub pour du parfum. Des idées scandaleuses que l’on pose sur la table d’un talk-show et qui deviennent ainsi un sujet de débat comme un autre, comme le grand remplacement, les punaises de lits, ou plus récemment sur l’expulsion de migrants au Rwanda ! Non mais c’est quoi la suite ? Un parachutage de machettes ?
4. Un nouvel album est prévu le 27 septembre, chez Petrol Chips. Comment as-tu oeuvré à sa sortie, et pourquoi le choix de cet excellent label ? Là aussi, qu’est-ce qui alimente ton propos ?
Ça s’est passé très simplement. J’avais pensé à ce label car j’aime bien les groupes qui figurent dans leur catalogue comme Bleu Russe ou L’Envoûtante. On s’était raté lors du précédent album Zyklon Bio. Je lui avais envoyé, mais il ne l’avait pas écouté. Je lui ai donc acheminé une maquette, en juillet 2023, de Alien au pays des aliénés et il a accepté dès le lendemain ! J’en profite pour remercier publiquement Ray Borneo qui en plus d’être humainement fiable est un arrangeur hors-pair. Son travail sur le mastering a été déterminant, à tel point que je le considère comme membre intégrant de Alien au pays des aliénés au même titre que Renan Guilcher et mon frère Richard. J’en profite également pour annoncer les ressorties remasterisées de Hirondelle et Beretta + un coffret collector des concepts albums de Tara King th. en fin d’année. Et s’il reste de la place dans la hotte, Ici d’ailleurs va sortir le 8 novembre une édition vinyle de « J’ai rien compris mais je suis d’accord », le 2ème album de Nonstop, en double LP, avec en bonus le live aux Eurockéennes de Belfort de l’ultime concert de Nonstop.
5. Qu’attends-tu de ce disque, comptes-tu le défendre sur scène à l’occasion d’une tournée fournie ? 🙂
Pourquoi le défendre ? Je ne me sens pas attaqué. Je n’ai jamais très bien compris cette expression « défendre un disque sur scène » ça veut dire quoi… Le vendre ? Les concerts ça me dégoûte. Il y’a un côté exhibitionniste qui me déplait, un manque de pudeur qui n’est pas trop dans ma nature. Je suis quelqu’un d’assez solitaire, qui préfère rester dans l’ombre. Je ne raffole pas de la promiscuité forcée dans une camionnette qui pue la vieille chaussette, même avec des gens que tu aimes bien tu finis par ne plus supporter leurs tronches, et les sandwiches triangles, les aires d’autoroutes et la bière tiède c’est plus trop mon truc. « 16 h de camion aller-retour pour 40 minutes de concert » comme le dit si bien Pascal Bouaziz, ça m’épuise rien que d’y penser !
J’ai la chance d’avoir un boulot qui me plaît, qui me permet de payer mon loyer et remplir mon frigo donc je ne suis pas obligé de sortir un disque tous les ans et me taper une quarantaine de concerts par an pour décrocher le statut d’intermittent du spectacle. Tant qu’à être fonctionnaire autant l’être pour de vrai non ?
Je veux rester libre. Libre de faire ce qu’il me plait au moment où j’en ai envie. Cette liberté c’est ma richesse. Il y’a une phrase d’Hyvernaud que j’aime bien : « La pauvreté, ce n’est pas la privation. La pauvreté, c’est de n’être jamais seul ». Et bien une tournée c’est exactement ça ! Les tournées il n’y a que ceux qui n’en n’ont jamais faite qui les idéalisent.
Qu’est-ce que j’attends de ce disque ? Une belle chronique du style : Alien au pays des aliénés est l’album de trop de quelqu’un qui n’a pas su, ni voulu, mettre un terme définitif à sa carrière. Frédo Roman ne fait plus rire personne. Rien ne fonctionne sur ce disque. C’est un désastre complet de A à Z. Même ce qui a toujours fait la force et la marque de fabrique de Nonstop ne fonctionne pas. Sa voix ne porte plus et pire encore, il chante faux. Cerise sur le gâteau, certains textes sont indignes de lui. Musicalement c’est l’album le plus pauvre et le plus mal fichu de toute sa carrière. Il ne comporte aucune mélodie mémorable, l’album est truffé de riffs de basse immondes comme j’en ai rarement entendu dans ma vie. Toutes les chansons se ressemblent, aucune ne sort du lot et n’est inoubliable. C’est un blougi-boulga, indigeste et confus, un concept album totalement raté. Je suis un grand fan de Nonstop mais sur cet album, il est incapable de prendre du recul et de se rendre compte du naufrage. Frédo Roman n’a pas su se renouveler et n’a plus aucune clairvoyance sur son œuvre. Retour raté.
Blague à part, je n’attends plus grand-chose. Je l’ai terminé il y’a un an donc aujourd’hui, je le vois un peu comme une grille de mots croisés que j’ai remplie et qui finira comme les autres avec les épluchures de l’Histoire ! Non je déconne, je fais mon cynique là ! J’ai reçu des messages extrêmement touchants de gens qui comptent beaucoup pour moi ou d’autres que je ne connaissais pas et ça, ça vaut toutes les Victoires de la musique.
6. J’ai parfois l’impression, en t’écoutant, d’entendre Astaffort Mods ou encore Man Foo Tits, voire Diabologum pour certaines sonorités. Tu les connais ?
Oui j’aime bien aussi Chien Pourri, Gwendoline, Rhume, Froid Dub, Bruit Noir, TH, Ventre de Biche etc…
7. Le mot déviant et imagé a chez toi une large place, j’aime beaucoup ! C’est un peu, combiné à des sons inédits, ta marque de fabrique non ?
Oui! La déviance mise en images, la décadence, l’aliénation, le tourisme de masse, la nature humaine, les battues citoyennes, les conventions sociales, la naissance des méduses, le sens que l’on cherche tous, plus ou moins, à donner à nos vies, les lieux communs, les horreurs boréales, les préjugés, l’ennui abyssal de notre époque et cette chape de silence dans une piscine de gravats, les idées reçues, la concurrence sans merci, l’intensification de l’ego, la vulgarité du fric, la guerre de chacun contre tous et de tous contre chacun, les éléments de langage, la corruption journalistique, un charter rempli d’hirondelles, la France de profil, un sourire vertical, les imaginaires socio-discursifs, la voie lactée dans un coup de poing, la perte du réel, un coucher de soleil sur un tableau Excel, des pixels dans le ciel, le discours politique, les masques du pouvoir, les ressources humaines, la hiérarchie, les noyades synchronisées, le simulacre de l’opinion, les savoirs de croyance, tu rajoutes un zoom arrière dans un travelling avant, un feu d’artifice qui sort d’un tube de dentifrice, quelques castagnettes de ci de là et tu colles tout ça sur bon gros beat !