NONSTOP est mené par Frédo Roman, qui quête son inspiration dans ce fétide quotidien qui est le notre, où si tu traverses la route à défaut de taf tu risqueras « juste » ta peau, dont (tout) le monde se bat. Bref, le gaillard a de la plume. Road Movie en béquilles (Ici d’ailleurs, 2005), J’ai rien compris mais je suis d’accord (autoproduit, 2009) et Zyklon Bio (2000 Records, 2021) ont jusqu’alors jalonné son parcours, captivant, personnel. Avec Alien au pays des aliénés, le gaillard rime sur la vie, la dépeint, crée ses sons d’éclopé de l’existence et il y excelle. Renan Guilcher et Richard Roman, qui pour le coup a déplacardé sa vieille basse de l’époque où il jouait dans Diabologum, et c’est pas rien ça, l’épaulent. Crocodile Gandhi le fait tchatcher; lancinance spatiale et débit imagé, de front, stimulent l’écoutant. L’absurdité-génie du propos, passionnante, lettrée et amère, fait mouche. Ambiance bon enfant, grésillant, indus, rock de travers, noise-rap et briseur d’élan, se montre lui aussi accompli. L’approche NONSTOP a de la tronche, Nutriscore Z la nourrit dans le non-sens, le contre-sens, la contre-merde aussi. NONSTOP combat en effet, à sa manière, la médiocrité. Là encore, il performe.
De ses chapes on s’éprend, Alain Proust lit en conduisant et sans hâte, trace des lignes acides. Bruitiste et vaporeux, il lâche des phrases qu’il faudra aller chercher…ou pas car quoiqu’il en soit, Alien au pays des aliénés se suffit à lui-même. Tu l’écoutes, t’en sors plus. Son irrationnel est une arme, sa déraison un abri. Ce Alain Proust change de ton, vire jazzy mais attention, en marge totale! Les sons enrobent, carrément déments, alors on les prend. Tous. Imaginatif à souhait, NONSTOP en L’an 01 surveille, sur-veille, ondule dans le dark dépaysant. Incroyable. Un pyromane en hiver, de guitares aiguisées, de décors déroutants, met le feu à la glace qui du coup se brise. Briser la glace, c’est peut-être bien ce que NONSTOP tente de faire et dans ladite entreprise, on le suit bien volontiers. Seveso, rimeur mais pas frimeur, de par ses strophes évite la catastrophe. C’est quand même bien l’bordel, mais l’album l’allège. B 52, dédié à l’attente et pas seulement, loin s’en faut, sacre l’incohérent. Alien au pays des aliénés, éponyme, en fait autant et de manière générale, l’esprit trippe et se fabrique, au gré des pérégrinations textuelles de NONSTOP, sa propre matière.
NONSTOP, le constat ne date pas de ce jour, écrit comme personne et même pas comme lui-même. C’est pour ça qu’on l’aime, lui, et qu’on aime ses étayages eux aussi déviants, qui font tanguer Autoportrait dans un miroir convexe, loquace. Dans le désaxé tout s’articule, Alien au pays des aliénés est mnonstrueux…de qualité, de personnalité. L’absurde ça se pense, ça se conçoit. Suffit pas d’êt’ con, on le saurait. Ici ça dénonce, à l’auditoire de retrouver le sens pendant que Roman, lui, déstructure son bon sens. Antidote daté, massif, rock, se hisse haut. Spirituel comme les slogans qui dans ma vile placardent les facs et friches, Alien au pays des aliénés captive non-stop. Sans galéjade, avec un sens du collage et de l’intelligence détournée qui (se) confondent, il se termine avec cet Afterwork à l’aftershave mal rasé mais bien troussé, où les rimes une dernière fois surpassent le prétendu concurrent et se finissent dans une titubation psyché malade, à l’issue d’une série entièrement palpitante. Du génie (im)pur et dur.