Neuvième album solo, déjà, de Thurston Moore, Flow Critical Lucidity fut arrangé à La Becque, en Suisse, enregistré aux Total Refreshment Studios à Londres en 2022, et mixé aux Hermitage Studios dans cette même ville, avec Margo Broom, en 2023. Certaines de ses chansons ont été écrites et arrangées en Europe et au Royaume-Uni; elles intègrent des références lyriques à leur environnement, inspirées par la nature, le rêve lucide, la danse moderne et Isadora Duncan. Voilà pour la petite histoire, en termes de contenu musical New In Town, s’égrenant lentement, marie la voix flemmarde du légendaire bonhomme avec un fond ombrageux, faussement tranquille. De légères stridences, qui évoquent le Velvet, émaillent l’entrée en matière. Avec Sans Limites, où Laetitia Sadier chantonne, guitares lancinantes et montée en intensité dénuée d’empressement enfantent une légère hausse de rythme, pour un rendu immersif qu’encore, des bruits dérangés incrustent. Il y a juste à se laisser porter, on n’est certes pas dans le boucan d’un Sonic Youth mais le tout se tient fort bien. Shadow, en sortant de l’indolence, vire en sa fin au noisy grinçant, fouillis de guitares Sonic.
Au mitan de Flow Critical Lucidity le cristallin Hypnogram, d’étoffe douce-amère, ne dépare pas. Dans la lignée d’un opus uni, il fait croitre son bruit. We Get High, dont le seul intitulé parle de lui-même, se déploie en vagues pataudes, aussi subtiles que brièvement bourrues. Il monte haut, avec lui We Get High sans redescente prévue. Ses chants songeurs, contemplatifs, contribuent à son élévation que perturbent des grondements bruts. Hypnotique, il apporte un plus, de la différence, à ce Flow Critical Lucidity dont on peut vite s’éprendre. Rewilding, rêveur, se tapisse en saccades et lance des coups de canif sonores, soudains, tout en prenant des abords rythmiquement tribaux. Magnifique. On plonge au ralenti, mais de manière durable, dans l’album qui par ailleurs prend fin sur The Diver, longue terminaison psyché aux pouvoirs psychotropes sains car musicaux et merveilleusement indélébiles.
©Vera Marmelo