On sait Saint Sadrill dépositaire d’une esthétique particulière, étirée sur quelques sorties -significatives- déjà. Dur à pister mais forcément à suivre, il continue sur ce somptueux Frater Crater à brouiller les pistes. La clique d’Antoine Mermet, après un début épuré (The Soil From The Hill, à l’amorce vocale délicate) qui mue ensuite en un trip-hop teinté de jazz, inclassable et très classieux, nappé de passages orchestraux doucement tourmentés, affirme derechef sa vision. Pebble [Take It In Your Hand], entre incrustes électro quasi noise et saccades de la batterie alors que les chants prennent de l’ampleur, suscite la même fascination. Il faudra, dans l’intervalle, s’être familiarisé et ce n’est pas chose aisée, certes, mais le jeu en vaut la chandelle. I Look At The White Balconies hésite entre sons lunaires finauds et ruades « fanfare » bien frappées, bon c’est rien on couple les deux! Stylistiquement, le patchwork a de la gueule. Saint Sadrill fait soniquement merveille, change de braquet et cette troupe-là, c’est pas des kékés. Ils savent jouer, sans se la jouer. Le morceau breake, titube, claque un terme jazzy de beauté à lier.
Plus loin Best Joke [The First Of April], dont la répétition confine d’abord à l’indus que le chant sertit, use d’un panel élargi pour encore mieux s’illustrer. Etoilé comme fantaisiste, de bruit comme de notes racées, il tient debout comme par miracle mais normal, c’est le lot de Saint Sadrill qui en équilibre alcoolisé (pas trouvé mieux), jongle avec les sons, les genres et les tonalités. Il te faut l’écouter, oh diantre le bruit soudainement se réinvite! Terminé c’est plié, This Morning In The Ring s’offre à nos écoutilles en fiesta. Saint Sadrill là aussi réitère ses motifs, il a bien raison ça fait de l’effet, et les nacre de plans subtils. Les lézardes guettent, elles surviennent sans durer. Inutile, à c’t’heure, d’entrer en résistance.
Empty Chair Vs Lonely Seat suit, posé. Sa seconde moitié gentiment se floute, se grise, dans une sérénité un tantinet incertaine. Au bord des dix minutes, la chanson est majestueuse. Sa fin commence à la heurter, puis c’est…la fin. Enfin pas tout à fait, à vrai dire, puisque c’est à Seven Days Minus One Week que revient l’honneur de clôturer. Frater Crater en tire grand bénéfice, sa terminaison poste une vague psyché indolente que la voix « soul » avec son ressenti habituel. Dans l’orfèvrerie sonore espiègle et inventive Saint Sadrill, valeur sure de nos pluvieuses contrées de rentrée, continue à verdoyer au sein d’un territoire qu’il a lui-même pris soin de définir.