Clips magnifiques en poche, prochain EP prévu pour l’automne 2024, Mauvais Sang répond aux questions de Will Dum (photo avatar Quentin Viel)….
Photo Quentin Viel
1. Pourquoi Mauvais Sang, pour commencer ? Est-ce l’époque en cours qui veut ça ?
Léo : A priori, rien de directement lié à l’époque en cours même s’il y aurait surement des raisons (haha). Le nom Mauvais Sang est avant tout un hommage au film du même nom réalisé par Leos Carax et paru en 1986. C’est un film qui nous a beaucoup inspirés par son mélange de différents genres musicaux. On y passe de la musique classique avec Prokofiev à de la chanson française avec Serge Reggiani et enfin par le rock anglais, avec Bowie. Ce pont musical de différents genres est à l’origine du projet.
2. J’ai pu lire que vous aviez tous un parcours fourni, dans quelle mesure cela sert-il la matière de Mauvais Sang ?
Mathis : De mon côté, mon travail dans la musique classique contemporaine m’a permis de proposer au sein de Mauvais Sang un rapport à la texture sonore assez aventureux. Nous avons toujours choisi nos armes en matière de son, mais ce qui nous anime et nous intéresse, c’est l’exploration des limites de ces palettes, c’est-à-dire trouver une forme de radicalité et la mélanger au format “chanson”. C’est ce que nous souhaitons retranscrire dans ce nouvel EP.
3. J’entends dans ladite matière, et ça captive croyez-moi, un rock lettré et fougueux, un classique « destroy » et racée, une forme de vice distingué aussi, dans le mot. Qu’en pensez-vous ?
Léo : Oui, c’est clairement cela. Je retiens particulièrement les termes “lettré” et “fougueux” qui nous correspondent bien.
4. Le mot a d’ailleurs, j’en ai le sentiment, une place privilégiée dans votre répertoire ?
Léo : En effet, de mon côté, je lis beaucoup de part mon métier de professeur de français que j’exerce à côté de la musique. J’ai été très inspiré par la poésie d’Aragon, par les paroles d’Arthur Teboul (Feu! Chatterton), par Annie Ernaux plus récemment. Cela m’accompagne toujours de façon plus ou moins inconsciente lorsque j’écris.
Photo Louise Carles
5. Avez-vous des influences avouées ? Je décèle bien des choses, dans votre son, mais au final transparaît Mauvais Sang, sans dû à qui que ce soit d’autre…
Mathis : A côté des influences anglaises comme Black Midi, Archive, j’ai récemment découvert le groupe LOW qui a totalement changé mon rapport à la musique à travers ses trois derniers albums. Chaque album est un trésor sonore mélangeant la saleté et le divin. Cela nous a énormément influencés dans la composition. C’est un grand regret pour moi de les avoir loupés en concert, le groupe n’existe malheureusement plus du fait du décès de la chanteuse. Cela reste quand même l’une des plus belles claques que j’ai reçu récemment!
6. Après « audition » de votre nouvel EP, à paraître dans quelques mois, me vient un ressenti certain : vous poussez, plus loin encore, le brassage musical qui est le votre ! Vrai ?
Mathis : Nous souhaitions explorer des textures sonores attachées à la musique noise et les retranscrire dans un cadre plus pop, plus efficace. Nous voulions comme offrir un pont entre le noise et la pop, prendre un nouveau public par la main et les amener gentiment vers une musique plus excentrique et saturée.
7. A voir le clip, magnifique, de votre single « Seine », je me dis que cette Seine est loin d’être si saine, entre autres…
Que véhiculez-vous par le biais de l’image et sur le clip mentionné, que cherchez-vous à transmettre ?
Léo : Je pense qu’on cherche avant tout à transmettre une inquiétude et une forme d’impuissance face au réchauffement climatique en cours. C’est l’impression qui ressort du clip de “Seine” réalisé par notre batteur Antoine, cette impression qu’il sera très difficile d’inverser la tendance dans laquelle nous nous sommes engagés. Il y’a aussi cette impression que l’enjeu écologique sert toujours de prétexte à la communication politique à un instant T (comme le suggèrent les apparitions d’Emmanuel Macron ou d’Anne Hidalgo par exemple), mais que cet enjeu n’est jamais véritablement pris au sérieux et ne constitue en rien une priorité.
8. « Au diable les corps » propose des morceaux remixés, que vous apporte l’exercice et avec qui l’avez-vous abordé ?
Léo : C’était intéressant d’aborder nos morceaux par un tout nouvel angle, avec des propositions originales qui venaient de musiciens du groupe mais aussi par des collaborations notamment avec Brisa Roché. Cet EP, qui faisait suite au premier album, a vraiment donné lieu à de belles surprises musicales.
Photo Louise Carles
9. Vous reprenez « Sur un trapèze » du grand Alain, vous vous reconnaissez dans son univers ?
Léo : Bashung nous a bercé. Avec Mathis, on a été marqué par beaucoup de ses albums comme “Fantaisie Militaire”, plus récemment “En Amont” pour ma part. Je me souviens que cette reprise de “Sur un trapèze” sur laquelle chante Pierre Guénard était une version qu’on jouait déjà en 2016, alors qu’on était encore ados, dans la petite chambre de Mathis. Voir qu’aujourd’hui cette version qu’on jouait à seize ans a donné lieu à une collaboration avec Pierre (qu’on écoutait aussi à cet âge-là), c’est plutôt sympa!
10. Comment fonctionne le « collectif » Mauvais Sang, que je sens axé sur le partage et la collaboration justement ?
Léo : Si dans le temps on se définissait comme “collectif”, aujourd’hui cela a changé. On a resserré la base autour de cinq membres (Mathis, Antoine, Ana, Anouck et moi-même) à laquelle viennent parfois s’ajouter quelques collaborations avec des amis proches notamment! Reste que le partage et l’échange avec des artistes qui viennent de différents coins du monde reste au cœur de notre travail. Je pense que le fait que nous habitions dans des pays étrangers (Angleterre, Suisse, France) joue beaucoup dans cela.
Photo Louise Carles