Station de radio militante fondée à Bologne, en 1976, par « Bifo » (devenu ensuite philosophe), féru de musiques industrielles, expé et underground, avec des amis issus de divers mouvements autonomes et
anarchistes, majoritairement étudiants, Radio Alice a du cesser ses activités, basées sur une programmation libre et variée qui dépassait le simple format musical, le 12 mars 1977. La police, en effet, déboula dans ses studios, accusant notamment les animateurs d’avoir orchestré les affrontements violents survenus la veille à Bologne, ayant entraîné la mort d’un étudiant. Pour le coup, l’intégralité des équipements fut détruite. Aujourd’hui Andrea Stillacci, influencé par ladite radio, rend hommage aux figures emblématiques de Radio Alice en sollicitant des artistes eux aussi décalés, libres de ton, choisis parmi ses contacts directs et lors de rencontres en concerts et festivals. Six titres ponctuent la compilation, ornée aussi par de nombreux samples de voix d’époque, et notamment les enregistrements sonores de ce malheureux épisode du 12 mars 1977. Le rendu est expérimental, il m’a d’emblée captivé et restitue évidemment l’esprit Radio Alice. C’est un acte de résistance, sonore, qu’ouvre le Shattered Reality de Distorsonic. Une longue effluve indus-ambient grésillant, aux vocaux obsédants, répétés, dont la souillure se répandra dans nos occiputs. J’adhère déjà, Xabier Iriondo joue alors son Il crollo del cielo dont les textures, brouillées, très…radiophoniques -d’époque- et bien moins radio-friendly, noise-indus martelée, en volutes étourdissantes, font elles aussi sensation. Forte.
Au troisième rang, et il trouvera le sien, le ACAB d’ Alos, projet de la multi-instrumentiste Stefania Pedretti, par ailleurs à la tête d’ OvO, déploie une délirante trame, jonchée de chants hantés. Dark, le morceau à son tour chope les sens. Et les glace, excellent. Suit alors, j’allais écrire Alos, ce G.A.Z.A initié par Strategia della tenzione. Indus narratif au sax très free, ensuite nourri par des débits vocaux entrecroisés, il fait mouche. On percute, sur The Infamous Broadcast, des pièces sans concession aucune, à l’opposé des formats déposés. Julinko, de Fantasmi Interrotti, s’y insinue dans un déluge obscur en phases successives. Un peu comme si, en quête de la station idéale, on tournait le bouton de la radio. Trippante, c’est le moins qu’on puisse dire, la composition fait dans le décomposé. Diverses tonalités s’y confrontent, de même que les climats, dans une majesté de noirceur. On touche à la fin, celle-ci survient sous la forme d’un Alice E Le Onde Eterne Delle Fine signé Paolo L. Bandera. Trouée de nuit notable, aux scories jazzy sous perfusion underground, c’est le terme d’un ensemble dissident, assurément à la hauteur des attentes de son instigateur.