C’est bien entendu le cœur serré qu’on écoute ce To All Trains, Steve Albini nous regardant désormais de là-haut. Il peut être fier, ses dix titres de rock-noise millésimé le placent d’emblée au dessus de la mêlée. Les lacérations de WSOD, en ouverture, laissent place à des accélérations brutes. Parfaite amorce, d’un son aux petits oignons, que relaie un Girl From Outside plus insidieux. Il se saccace, avance dans une lenteur qui finit par nous pénétrer. Chick New Wave, d’abord saturé, opte pour la sixième vitesse. Magistral, l’album enrage. Avec panache, dans ce style Shellac semblable à nul autre. Batterie dingue, motifs répétés obsèdent irrémédiablement. Tattoos, haché, vocalement typé, louvoie et comme le reste, marque les esprits. Les sautes d’humeur de Shellac, mythiques, son approche à lui et lui seul en font tout simplement un projet légendaire. Wednesday, au mitan du boucan, marie chant sombre et poussées éparses mais percutantes. Scrappers, dans la minute qui suit, riffe sec et délivre des notes vrillées. Shellac, comme déjà dit, n’a pas même été copié. Ou moyennement.
Days Are Dogs, aussi souple qu’assuré, ondule dans les grincements. J’entends, au détour de quelques passages, nos Sloy adorés. Albini les a produits, ils n’en sont pas peu fiers. How I Wrote How I Wrote Elastic Man (cock & bull), de voix assagies en plans à nouveau réitérés, comme sur le fil, sous le joug d’une basse qui le ponctue, de guitares aiguisées, pose sa pierre. To All Trains est solidement charpenté, How I Wrote How I Wrote Elastic Man (cock & bull) prend fin dans une montée subitement coupée. Scabby the Rat, plus frontal, la joue alerte. Son énergie est punky, le rendu un brin Primus. Enfin I Don’t Fear Hell, en ruades qu’un chant à nouveau décalé accompagne, alterne accalmies et boulardage maison, forcément racé. Ultime chef d’œuvre, To All Trains borde le parcours de Shellac avec une maestria confondante.