D’abord sorti en 1990, le Twin Infinitives de Royal Trux, soit Neil “Michael” Hagerty et Jennifer Herrema, revoit le jour par le biais de Fire Records. Remastérisé, il fait valoir son avant-gardisme, sa no-wave foutraque qui ici, dégueule sur quinze titres sans tête chercheuse. Le loufoque et délirant Solid Gold Tooth le démontre, on est là dans de l’expérimental possédé. Les sons sont minimaux, les trames désossées et passionnantes. Ice Cream titube, semble (se) chercher mais au final, c’est nous qu’il trouve. Hagard et décousu, l’univers de Royal Trux se démarque ostensiblement. Jet Pet, sale et funky, chanté mutin, animera les bassins de tout un chacun. RTX-USA, cacophonie noisy bricolée, puis Kool Down Wheels tout aussi frappé se font le relais d’un bruit qui dérange les sens. Chances Are The Comets In Our Future, de ses nappes psychotropes, les imite en déviant ouvertement. Superbe ressortie, Twin Infinitives comblera les oreilles averties.
Photo Pennie Smith
Yin Jim Versus The Vomit Creature, aux voix cinglées, démentes, en assène la preuve. Il est psychiatrique, sans raison, attrayant comme la folie qu’on ne s’explique pas. Sur plus de cinq minutes, il jongle avec la déraison. Soniquement, c’est un bazar sans nom. On prend, bien évidemment. Osiris, brouillon strident, bruisse à la Royal Trux. La paire s’échine à pétrir, sans concessions, sa matière propre. On perçoit bien quelques « sources » mais le rendu, unique, n’est dû qu’à elle. (Edge of The) Ape Oven, sur plus de quatorze minutes de jazz-noisy perché, céleste et bien entendu bruyant, psyché aussi, quitte ses gonds. Exigeant, Twin Infinitives n’en est que plus immersif encore. Florida Avenue Theme, coulée de lave, et dans son sillage Lick My Boots qui tape des phases hypnotiques, enfoncent le clou d’un son dénué de règles. Glitterbust, qui m’évoque tantôt le Sonic Youth des débuts, conforte Royal Trux dans sa vision décalée.
Sur la fin Funky Son, dirty-bluesy, percussif, vaguement jazzy, d’une cadence discrète mais insistante, referme le clapet sans fermer le sien. Ratcreeps prolonge l’embardée, entre notes vacillantes et vocaux sous perfusion de perte de soi. Royal Trux et son Twin Infinitives lacèrent la norme, on salue bien bas Fire Records pour l’initiative. C’est sur un déroulé presque normalisé, nommé New York Avenue Bridge, magnifique, que la réédition trouve son terme. Indispensable étant le terme, approprié, pour en caractériser la teneur et souligner la nécessité d’en faire l’acquisition toute affaire cessante.