Salle mythique de la scène bordelaise, le Krakatoa de Mérignac fermera pour plusieurs mois à la fin de l’année en vue d’une grande rénovation. Muzzart a rencontré Didier Estèbe, le directeur de la salle, pour avoir plus de détails sur cette grande rénovation.
Joseffeen/Muzzart : Pour les 35 ans du Krakatoa l’année prochaine, vous vous apprêtez à une grande rénovation de la salle, peux-tu nous rappeler un peu les origines de la salle avant que nous abordions plus en détails la rénovation ?
Didier Estèbe : Historiquement, Transrock a ouvert la salle le 17 mars 1990 et la salle est une des SMAC (Scène de Musiques Actuelles) les plus anciennes de France avec des salles comme la Rock School Barbey ou le Florida à Agen. Je suis à l’origine de ce projet que je voulais culturel et que j’ai écrit avant de savoir où le poser. J’ai trouvé la salle des fêtes de Mérignac et nous avons amené notre projet idéal que nous avons dû adapter aux bâtiments que nous avons trouvés. Grâce au soutien en particulier de la ville de Mérignac, nous avons pu adapter ce vieux bâtiment des années 60 à nos activités et développer ce qui existe aujourd’hui. Aujourd’hui, nos activités, c’est : la diffusion de concerts, ce qui correspond à une moyenne d’environ 60 concerts par an dans nos murs, mais aussi le pôle accompagnement avec la Pépinière puis le Fil Sonore et de la médiation et de la création jeune public. Le souci, c’est qu’au fil des années, nous avons occupé tout le bâtiment mais nous sommes arrivés au bout de ce que nous pouvions adapter techniquement notamment au niveau de la réception des artistes. De plus, comme c’est un vieux bâtiment qui a également ses limites d’un point de vue écologique, nous avons commencé depuis 2015 à réfléchir aux évolutions possibles et à nous tourner vers nos partenaires. En septembre 2021, il a été décidé par le propriétaire des murs, c’est à dire la ville de Mérignac de lancer une rénovation du bâtiment et de lancer les études de faisabilité.
Didier Estèbe: collodion par Pierre Wetzel
Joseffeen : Qui va se charger des rénovations et combien de temps vont durer les travaux ?
Didier Estèbe : Les travaux sont financés par la ville de Mérignac avec une participation du Ministère de la Culture et de la région Nouvelle Aquitaine. La ville a décidé de partir sur un principe de rénovation en 2 temps : le choix a été fait de faire un dialogue compétitif, ce qui est différent d’un concours d’architectes. La ville a créé un cahier des charges qui a été donné à plusieurs entreprises de BTP associées à des cabinets d’architectes. Il y a eu plusieurs candidatures et les entreprises demi finalistes choisies par la ville ont fait des propositions dont nous avons discutés avec eux en tant qu’utilisateurs du lieu. Le choix s’est finalement porté sur le groupement Dune Constructions et Compagnie Architecture. La phase de travaux va commencer au premier janvier 2025 et devrait durer de 14 à 15 mois. Nous réinvestirons les murs par la suite pour rééquiper la salle pour les concerts. Les premiers événements dans le Krakatoa rénové devrait avoir lieu au printemps 2026 pour une reprise complète en septembre 2026. Le plus difficile va être de rendre les clés et de tout vider avant les travaux car je suis ici depuis 34 ans maintenant.
Joseffeen : En quoi vont consister les rénovations ?
Didier Estèbe : Pour ce qui est de la salle historique, nous allons conserver l’adaptabilité et termes de jauge car nous tenons à continuer à accueillir des artistes confirmés mais aussi des découvertes. Il y aura dans la grande salle historique des jauges à 400, 800, 1100 et enfin une jauge à 1500 qui n’existait pas auparavant. Afin d’augmenter la capacité de la salle, nous allons conserver le balcon actuel avec l’ajout de coursives latérales comme sur un théâtre à l’italienne. Cette nouvelle jauge permettra un intermédiaire entre nos jauges (de Barbey, Rocher de Palmer, Krakatoa) et celle de l’Arena. Nous allons en profiter pour améliorer tout le cadre de scène et l’accueil technique. Comme nous avons toujours le souci de faire de la découverte, qu’elle soit locale, nationale ou internationale, nous allons ajouter une salle « club ». Ce club sera doté d’un salle séparée de 250 places.
Joseffeen : Et pour ce qui est de l’accueil des publics et de l’accompagnement ?
Didier Estèbe : Nous allons modifier les halls d’entrée et celui qu’on connaît aujourd’hui sera plus spacieux et lumineux. Les bars vont être améliorés également pour limiter la file d’attente que tous les spectateurs qui viennent au Krakatoa connaissent bien. Il y aura également 4 loges au lieu de 2 et elles seront plus spacieuses que les loges actuelles. L’accueil est quelque chose de très important pour nous et nous allons essayer de garder nos spécificités.
Pour ce qui est de l’accompagnement, grâce au nouveau club, nous pourrons désormais accueillir des artistes en résidence même s’il y a des concerts dans la grande salle et il y aura en plus un espace d’expression et de création qui permettra de recevoir les ateliers de la Pépinière et des résidences acoustiques ou des actions de médiation pour les jeunes publics. Nous souhaitons aussi développer un pôle vidéo.
Joseffeen : Tu parlais d’amélioration du bâtiment en termes d’écologie aussi ?
Didier Estèbe : Oui, cela fait partie du projet dès le départ. Le bâtiment sera neutre environnementalement et s’auto alimentera tout seul en dehors des soirs de concerts grâce à des panneaux photovoltaïques sur le toit. Il y aura aussi une meilleure isolation sonore et thermique. Et visuellement parlant, le Krakatoa aura une toute nouvelle façade. Le but est d’inclure encore mieux la salle dans ce quartier assez résidentiel.
Joseffeen : Comment vont se dérouler vos activités pendant la période des travaux ?
Didier Estèbe : Nous allons être hébergés dans un autre lieu et nos pôles accompagnements, médiation et jeunes publics vont continuer à fonctionner en étant déportés sur d’autres espaces. Nous sommes encore en train de travailler en ce qui concerne la programmation et nous envisageons des collaborations avec des salles dans d’autres villes. Nous continuerons à coproduire des dates avec nos collègues de Barbey et du Rocher comme nous le faisons déjà. Nous envisageons aussi de collaborer également avec Sortie 13 à Pessac pour des résidences notamment. Tout cela est encore en réflexion et sera confirmé au fur et à mesure.
Joseffeen : En attendant, il reste un concert pour la fin de saison en juin et des concerts de septembre à novembre avant la fermeture pour la rénovation.
Didier Estèbe : Oui, notre dernière date de la saison 2023-24 est la release party des bordelais Moloch/Monolyth avec I Am Stramgram et Purrs. Nous reprendrons ensuite jusqu’en novembre effectivement.
Joseffeen : Pour terminer, une petite question sur l’histoire de la salle : qui est venu jouer le plus souvent et que tu es toujours content de revoir à chaque fois ?
Didier Estèbe : J’ai toujours été très content de recevoir notre parrain Maceo Parker ! Au tout début quand je me chargeais de la programmation de la salle, j’ai été ravi de recevoir des gens comme Nick Cave et PJ Harvey mais il y a eu tellement de concerts extraordinaires que je ne peux pas te dire ce qui m’a le plus marqué sinon. Il suffit de regarder l’autocollant qui se trouve actuellement sur le sol du hall pour s’en rendre compte ! Nous avons accueilli tous les styles du rock à la pop en passant pas les musiques du monde ou le rap !
Joseffeen : Merci !
La salle fermera le temps des travaux à partir de décembre mais, du 7 septembre au 28 novembre 2024, la salle accueillera: Peter Doherty, Still Corners, Rendez-Vous, MC Solaar, Kazy Lambist, Emma Peters, Sierra, Minitère A.M.E.R, Russian Circles, Kimberose, Frank Carter & The Rattlesnakes, Gringe, Saian Supa Celebration, Hania Rani, Cosmo Pyke, Tindersticks, Ultra Vomit et Olivia Ruiz. Retrouvez toute la programmation sur le site officiel du Krakatoa!