Entendu chez bon nombre de ressortissants du monde indé (Chien Vert, Trunks, La Machine Couchée, Ground under Ground, NO&RD, Gloyw, les projets d’Arnaud Le Gouëfflec, Mona Kazu et j’en passe..), Régïs Boulard s’attelle ici au solo avec About Bridges, album solo instrumental…à la batterie. Il y parle de ponts, vers l’enfant qu’il fut (et fût). Vers son instrument, un brin dément, dont il use ici jusqu’à nous arracher à nos bases. Vers les genres, qu’il brouille jusqu’à définir ses lignes anarchiquement droites. Vers une vie, la sienne, dont la batterie poutre les jours. Mais n’empêche. Au départ, la première écoute m’a fait galoper, à son opposé. Puis j’ai laissé, laissé décanter. On sait jamais. Et ce jour, après rappel par mail parce que chez L’Eglise de la petite folie, on soigne ses produits comme ses partenaires, j’y ai replongé. Tête baissée, de peur, puis tête dressée parce que convaincu. C’est du boucan bancal, tel celui perçu « petiot » et ensuite tout le temps quêté. Parce que l’enfance, ses sensations, ses tranches de vie fortes, s’impriment tant et si bien qu’all life long, on leur court après. Alors voilà, About Bridges. Du jazz de travers, des tambours dans la nuit, des tambours dans le jour. Pour faire, résonner, la tête, comme le chantaient les Young Gods. Et elle s’en farcit, turneboulée. Blows Memory s’en empare, en salves saccadées, presque ivres, hagardes et prenantes. Prayer For Albert titube lui aussi, on entend dans le soir des sons qui à peine se livrent. A chaque morceau, correspond son lot d’émotions. Ici ça cloche, comme chez les bébés. Give Your Brain A Fuckin Chance se retient puis déboule, Boulard développe sur son disque un style rarement décliné. On crie au fou mais les fous on les aime: fêlés, ils laissent passer la lumière.
KillMotor Hill, frappé, fricote avec l’indus. Bah, c’est du Boulard surtout. A nul autre semblable. Ses ponts me retiennent, j’en glisse et me rattrape au parapet. Je veux pas me barrer. Merlin’s Murmur castagne obscurément, en roulements inquiétants. Bleinheim Palace convoque des voix, d’ailleurs, et ça le fait exceller. Dans un bruit rouillé, il claque une dégelée. Bridgeable est lui plus posé, mais aussi osé. Jazzy, mais sans la démonstration. About Bridges, pourtant, en est une. De force d’évocation, de création minimale, que même la tête dansera et rythmera (Head Can Dance). Au départ tu te détournes, ensuite tu te retournes et About Bridges t’impose ses traversées. A t’y risquer, tu y trouveras plaisir et presque, car je n’en suis pas loin, dépendance. Ca s’explique pas, c’est l’écoute qui révèle. Les Ponts de Fer, à la frappe insistante, grondent comme l’enfer. Submersive prolonge la nuit, on a cru s’en sortir mais que nenni!, l’aurore attendra.
Photo Eddy Rivière
Hypnotique, fascinant, fait de bruit, de feeling et de technique sans flambe aucune, About Bridges est loquace, tenace, mais élagué. About Burning Bridges swingue et erre, cul par terre et baguettes en l’air. Ou l’inverse, je vais réécouter pour êt’ sûr. Je vais, sans honte, exiger l’envoi du cd sinon terminé j’écris plus un mot. J’irai en gaver mes pairs, leur expliquer sans y arriver la portée, les vertus de l’album et ses « aime-moi ou quitte-moi ». Le Thagis de l’abbevillois, le Ben Ja Min et ses tirées cinglées en paquet de dix surkifferont le bazar, j’en mettrai ma main à couper. De mon côté en tout cas l’affaire est pliée, About Bridges accompagne mes premières gorgées de taboulé et passera facile le cap du dessert tant ses ponts et sons, logés dans mon crâne, se refusent à en prendre congé.