Chloé Delaume a sorti le 5 avril récent Phallers, premier roman inédit de la Collection « Points féminismes« . Les chansons présentes dans ledit roman figurent dans l’album Sentiments négatifs et vu la qualité d’écriture de la Dame, quand bien même le sujet commence à être rabâché, on ne peut que s’incliner et tendre à l’écouter, voire à réfléchir sous l’inflexion de ses mots, matière à penser et peut-être bien à panser. On a droit, de surcroît, à des trames cold et minimales, immédiatement attrayantes, dont on ne peut se défaire. Ouin Ouin Boogie me donne raison, sa narration captive et souligne l’absurdité des propos de l’homme. Les siens, en revanche, sollicitent l’esprit. Et en font preuve. Si le ton est ici délié, légèrement griffu toutefois, Purple Fuckers vire presque, de son côté, à la cold pure et dure. C’est dire si le rendu est bon. Le contexte est inquiétant, le patriarcat impuni mais l’humour- corrosif et on appréciera- ainsi que le verbe élevé de Delaume ramènent espoir et, pour le fautif, potence. J’exagère, mais peu. Examen conjugal renforce quoiqu’il en soit mon adhésion, synthés légers et belles guitares en poche. Le déni, dépassons-le. Faute de quoi, on court à sa perte.
De bonne facture, Sentiments négatifs enchaine avec Des myosotis pour Sarah Kane (en duo avec Henriette). Alliance joliette, obscure aussi, qui derechef surligne la plume de l’autrice. Musicalement, on poursuit superbement, sans jamais surenchérir. J’achèterai le bouquin, tiens, au sortir de mon écrit. L’enfant intérieur, pour le moins amer, dans le désarroi s’échoue. Mais la poésie de l’opus, merveilleusement désenchantée, sublime le mal. Et ça fait du bien. Chloé Delaume met à distance, par le son, par l’écriture incisive à l’orée de l’inclusif, les maux de ses sœurs. Bien sûr que non, au gré d’une lancinance songeuse, de ses volutes aériennes, se drape de splendeur. Phallers Song, exercice « french cold wave », excelle et dénonce. Le féminisme se danse, grisant, tout au long de ce Sentiments Négatifs sans travers. Tous les deux ou trois jours, à l’ambiance Curienne, séduit dans son tragique.
Il existe, il persiste chez Delaume une forme de jouissance -de l’encre, grammaticale- dans la souffrance, à laquelle elle s’insoumet pourtant. Délibérément, effrontément même, mais toujours avec classe. Par Némésis balafre l’image du prince, selon une prestance qui ici parachève le tout. Nul pardon, cœur en berne et enjouement -vocal- dans l’épreuve. Enfin Dossier Berlin, au ralenti, porté par l’association de chants de marque, distingué, conclut et consacre ce disque en parfait complément à son roman, sans trop de romance, mis en exergue par sa parfaite imbrication entre textes et sons.