Après le pépitesque Acoustic, précédé par la réédition de son incontournable Cold Tears, Dominic Sonic nous lègue ce superbissime Qu’avons nous fait où sa voix, captée dans l’urgence, peu avant sa disparition, fut ensuite habillée par pléthore d’invités prestigieux. Il y raconte sa lutte, ses sentiments, forts, à l’égard d’une compagne chère, sa souffrance et son affliction. Onze titres relatent, sous la direction artistique de Romain Baousson (co-compositeur de l’opus avec Dominic Sonic), dans la vérité la plus pure, ses ressentis. Chacun des invités n’a découvert le titre sur lequel il allait intervenir que quelques instants avant d’enregistrer, ce qui bien entendu singularise le tout. Dominic le voulait noir, il l’est certes mais dans le même temps, il brille de mille feux. Il resplendit, dans ce qu’il dit comme dans ce qu’il joue. Verbe et ornement sont en phase; Pendant ce temps-là ouvre la marche, sublimement cordé. Déjà poignant, Dominic chante ses derniers temps avec un étonnante légèreté. Il ne fait rien de mal, il ne fait que nous enchanter et nous serrer la gorge, mouiller nos yeux de sa merveilleuse matière. Intègre, il se désintègre. Qu’avons nous fait, qu’avons nous dit, où Miossec s’associe au grand Dom’, suinte la splendeur. Joliment sage et décoré avec prestance, encore, de guitares étoiles, il valide l’excellence de l’entrée en matière. Restent ces derniers mots, poignants: « Et toi ton train, il part quand? ».
Photo Erwan Raphalen
Alors « Je vais t’aimer, toute ma mort », chante Dominic, après cela, sur Puisqu’il n’y a rien à enfer et son rock griffu. J’en pousse le volume, en proie à sa vigoureuse portée. Ca va être moche, aux accents d’orient en son début, prend le relais dans une entrainante soie. Le verdict est prononcé. La mélancolie, audible, guide Dominic. Elle sublime pourtant son timbre. Son écriture, intacte, reluit jusque dans ses nuits. Elle éclairera, à coup sur, nos jours. Durablement. A ma décharge, cuivré très free, catapulte un post-punk déchiré, agile, définitif. Play blessures ? Splendide. Les guests, soit Alain Richard, Christophe Miossec, Daniel Paboeuf, Etienne Granjean, Franck Hamel, Fred Gransard, Gaël Desbois, Goulven Hamel, Hakim Hamadouche, Jacques Auvergne, Jérôme Coudanne, Laetitia Shériff, Mirabelle Gilis, Olivier Mellano, Patrick Sourimant, Pete Le Roux, Pierre Corneau, Romain Baousson, Thomas Schaettel, Tox Geronimi et Yves-André Lefeuvre, s’illustrent. Intégralement je les cite, car amplement ils le méritent. La liste est longue, tous embellissent sans coup férir le propos de Dominic. L’interlude assure le lien, spatial, vers La çoise et son côté vieille France remarquable, qui nous ramène à certains titres de l’album éponyme. On en valse, de bonheur. Accordez-moi nous y maintient, d’une vêture pop-rock noisy en quête de sursis. Dominic se raconte, évoque ses torts, dans un authenticité qui j’en suis sûr, ne le quittera jamais. Elle est lui.
Véritable joyau, Qu’avons nous fait se poursuit avec Celui qui part. Noir, tragique, mais d’un azur de magnificence. Sur lit de cordes, une fois de plus somptueux, Qu’avons-nous fait s’empare du corps. J’ai mal, après une amorce à la Neil Young aux guitares grondantes, narre le mal, insoutenable. Il le fait avec pudeur, pour ensuite se parer de sonorités derechef bruitistes. Les envolées, sur Qu’avons nous fait, le sertissent superbement. J’ai mal moi aussi, nous avons ensemble mal, de n’avoir que souvenirs. Celui-ci est sans égal, il borde et ponctue une carrière, une discographie, en tous points exemplaires. Voler enfin, où les cordes glissent dans une patine éternelle, cherche l’air -Celui qu’on respire, souffle Dominic-, et s’en vient y mettre fin. Dominic est Sonic, son cadeau appelle à écoutes, réécoutes, immersions nouvelles et réitérées. A travers son disque Dominic, sempiternelle référence, vit dans l’intense et nous ferait presque oublier qu’un jour la grande faucheuse, gueuse, a décidé de nous le retirer. Qu’avons-nous fait pour mériter tel sort, allégé si je suis dire par la teneur de la galette ici décrite?