Versari revient avec Will Dum, via la plume de son leader Jean-Charles Versari, sur son parcours et ses activités actuelles en préambule à de nouvelles sorties (photo Batcave Lugosi)…
1. Quelle est l’actualité chez Versari, après « Sous la peau » (avril 2020) et l’EP « Reviens » (janvier 2022) qui faisait suite à celui intitulé « Brûle »?
Nous avons commencé à oeuvrer sur de nouveaux titres il y a un moment, à trois, comme nous travaillons toujours. Pour le moment beaucoup d’instrumentaux, pour lesquels je commence à avoir des idées d’écriture et de lignes mélodiques. J’ai l’impression d’avoir été très loin dans mon écriture et dans ma recherche intérieure pour « Sous la Peau », il faut que je retrouve des sources, des idées, des fils pour écrire. Comme je travaille beaucoup au studio, et avec Erica, j’ai pris un peu de temps avavnt de commencer à renouer avec mon écriture.
Nous enregistrons nos idées avec Laureline et Cyril, presque à l’ancienne : comme nous avons accès à deux studios (le mien et Balloon Farm, le studio de Vincent Lecouplier à Rennes), nous pouvons nous permettre d’expérimenter, de développer les titres dans l’instant.
Par ailleurs, Cyril se découvre une âme de producteur. Il a énormément d’excellentes idées et il est facile de les tester immédiatement, de voir si elles marchent ou non. Nous avons commencé à travailler avec un tourneur rennais également, IDO Spectacles. Ça sera un vrai plus quand nous pourrons tourner ces nouveaux titres, qu’on espère commencer à sortir en fin d’année.
2. Comment « Sous la peau », d’ailleurs, a t-il été accueilli ?
Globalement hyper-bien, mais très peu de médias traditionnels s’y sont intéressés. Sorti en plein COVID, ça a été compliqué. Et très dur pour moi de passer à la suite. Nous avons dû annuler deux tournées aux USA, et n’avons quasiment pas joué en France. Nous avons eu beaucoup de passages radio sur les radios indépendantes aux USA, en France, en Hollande, et pas mal de presse indépendante également.
3. Quelle est la matière qui cette fois, nourrit ta plume au bénéfice de Versari ? J’imagine que tu ne peux rester très longtemps sans écrire…
Comme je le disais en réponse à ta première question, j’ai dû chercher de nouvelles pistes, de nouvelles idées. J’ai beaucoup usé de mes déceptions et de mes frustrations dans l’écriture de « Sous la Peau ». J’ai le sentiment d’avoir, d’une certaine manière, tout déballé. Il a fallu que je reparte de zéro. Et surtout, pour répondre précisément à ta question : avec le temps, j’écris moins. J’écris plus précisément mais beaucoup moins. Ce que j’écris est le résultat d’une démarche mentale, et comme je suis très exigeant, j’accepte difficilement d’écrire ce qui me paraît « moins bon ». Du coup je réfléchis beaucoup, je garde jusqu’à ce que ça me semble « assez bon » pour être écrit.
Ne pas avoir écrit pendant toute la période où nous pensions pouvoir arriver quelque part avec « Sous la Peau » a été reposant. J’ai aimé ne pas avoir à écrire. J’ai aimé ne pas avoir à me mettre dans cette position de doute et de questionnement permanent.
Photo Ida Sofar Studio
4. Comment Cyril (batterie, présent depuis les débuts) et Laureline (basse, à l’arrivée plus récente) s’impliquent t-ils dans Versari ?
Laureline est arrivée assez vite tout de même, et nous ne serions pas le groupe que nous sommes sans elle. Notre son est né de notre collaboration. Et à nouveau, j’ai commencé à répondre à cette question au début de cet interview. Nous travaillons toujours à trois. Il n’est plus concevable, et surtout pas intéressant pour moi de travailler seul sur ce projet. Versari est une bête tricéphale.
Lorsque j’ai décidé de quitter le groupe totalement dysfonctionnel qu’était Hurleurs, j’ai contacté Cyril avec qui nous étions devenus très proches. Long story short : Jason Glasser (violoncelle/basse) avec qui nous avions commencé à travailler a quitté le groupe, remplacé par Olivier Guilbert, puis on s’est rendu compte qu’il nous fallait quelqu’un à la basse. Cyril a immédiatement appelé Laureline qui nous a rejoints, plus parce que c’était nous que parce qu’elle aimait l’album (« Jour après jour »). Nous avons passé une belle année à faire fonctionner le projet en l’état. Olivier avait d’autres aspirations. Nous nous sommes retrouvés en répétition Cyril et moi, et nous sommes dit : on fait autre chose. Suite à quoi nous avons passé quelques heures à chercher et improviser. Laureline est venue à la répétition suivante et tout a collé d’un seul coup. C’était ce qu’on voulait, et c’était nous.
Depuis lors, nous ne travaillons que comme ça. On se retrouve, on règle nos instruments respectifs et on essaye des choses. Du coup, l’implication de Laureline et Cyril dans le processus créatif est totale. Il arrive un moment où les mots vont structurer les morceaux, mais cela passe toujours par cette grande phase de création.
5. Tu œuvres également avec Erica Nockalls, ta compagne. Où en est ce travail commun (j’ai cru comprendre que quelque chose d’assez marquant se tramait), quels sont selon toi les avantages et inconvénients d’une collaboration « de couple » ?
Nous avons commencé à travailler ensemble pendant le confinement. Elle est anglaise et a emmenagé à Paris un mois avant le début de la pandémie. Alors que nous étions tous enfermés à la maison, elle m’a demandé d’écouter ses « démos » pour que je lui donne mon avis : pour moi ça n’était pas du tout des démos, et nous avons commencé à préparer la production et mixage de son album. Ça a été un gros travail, qui a pris plusieurs mois.
Travailler avec son/sa partenaire est un vrai challenge, ça peut être compliqué de différencier la relation affective qu’on a de la relation de travail…mais au final je trouve ça merveilleux et si les deux personnes sont en cohérence créative tout devient exceptionnel. Je n’ai joué aucune guitare sur cet album. Il y a trois ans, on nous a proposé de jouer sur un festival en Angleterre, et bien qu’Erica n’avait pas envisagé de jouer ses morceaux sur scène, nous avons commencé à travailler sur des versions pour la scène.
Erica a enregistré toutes les cordes pour le prochain album d’Echo and the Bunnymen, et Ian McCullough lui a proposé d’ouvrir les concerts pour la tournée qu’ils ont effectuée en septembre dernier en Angleterre, ce que nous avons fait. Suite à quoi il nous a à nouveau invités à ouvrir pour la tournée que nous sommes en train d’effectuer en Angleterre et Europe avec eux. Nous finissons cette tournée mi-avril, et après une petite pause nous allons commencer à travailler sur de nouvelles compositions avec Erica.
6. Est-ce pour vous deux un projet durable, dans lequel vous vous projetez à plus ou moins long terme ?
Oui, tout à fait. Si le monde de la musique ne s’écroule pas d’ici là. Avec ces ordures de plateformes de streaming avec lequel il est impossible de gagner quoi que ce soit, et les termes de plus en plus difficiles pour jouer en live, c’est vraiment compliqué de penser à trop long terme.
Ceci étant dit, ce projet a toujours été plus un projet de studio que de live pour Erica, et je suis moi-même très satisfait de passer beaucoup de temps en studio. Mais pour clairement répondre à ta question : oui, ce projet est un projet que nous pensons totalement à long terme.
7. Arrive t-il que ton travail pour Versari déteigne, si je puis dire, sur celui mené avec Erica (et inversement) ?
Erica a participé à tout ce que nous avons sorti avec Versari depuis « Sous la Peau » : toutes les reprises que nous avons sorties avec Unknown Pleasures Records ont été co-réalisées par Erica. Elle joue et chante un peu sur celle des Sisters of Mercy également. Elle a aussi fait un remix de « Brûle » pour l’EP éponyme. Et de travailler avec une artiste de ce niveau me pousse à envisager mon jeu de guitare, ma composition différemment…
Dans l’autre sens, les versions live que nous jouons avec Erica sont influencées par mon approche de la guitare, nous avons pensé ces versions et avons travaillé les backing tracks ensemble…
Lorsque nous parlons de potentiels prochains titres, il est évident que nous allons travailler ensemble, et que ces influences respectives vont ressortir.
8. Quel regard portes-tu sur ton parcours personnel, désormais étendu (et éloquent) ? Te sens-tu encore prêt, après tout ce temps, à t’investir comme à la première heure ?
Oui, depuis Hurleurs jusqu’à maintenant il s’est passé beaucoup de choses : entre T-Rec, mon studio, les groupes et artistes avec lesquels j’ai travaillé, comme musicien ou comme réalisateur/ingéneur du son…
Je ne vois pas comment je pourrais me comporter autrement, je ne m’imagine pas m’investir à moitié. Je n’y verrais absolument aucun intérêt. Je pense même possiblement m’investir encore plus au fur et à mesure de l’age. La seule différence est que je fais plus attention à ce dans quoi je m’investis.
Photo JB Dchr-Marie Catry