Unanimes, nous consacrons Kim Gordon. Son The Collective, entre bribes rap/trap et zébrures indus que des abîmes noisy peinturent, est tout bonnement passionnant. Sur onze titres où le chant de l’ex-Sonic Youth songe, susurre, rêve, crie, il impose son bruit et sa tourmente. BYE BYE l’ouvre, voix lancinante, sons sales et trainées vaporeuses dans sa besace. Il ondule, hip-hop dans le rythme, et dépose une marque. C’est la rampe de lancement, parfaite, déviante, d’un disque qui crée et expérimente, audacieux. Ses flux dirty sont irrésistibles, son contenu sans concession aucune. The Candy House, en ruades électro-indus aussi lunaires qu’abruptes, referme la trappe ou plutôt, la trap. Entre les genres, qu’elle imbrique parfaitement, Kim Gordon laisse des traces indélébiles. I Don’t Miss My Mind, de ses vagues stridentes presque shoegaze, couplées à une cadence lascive mais marquée, fait mouche à son tour. Vocalement, ça va de soi, Kim fait son effet. I’m a man, pesant, massif aussi, opaque, sème lui aussi un bruit enivrant, syncopé, par flux incoercibles. Les compositions, toutes influentes, se suivent sans baisser en impact.
Kim, magistrale, fait des vagues. Drum-machine, synthés tordus, guitares triturées forment une issue fatale, plus grise que notre monde. Et grisante, de bout en bout, dans ses moindres recoins. Trophies se saccade, percute dans le chant, opère par salves. On y entend, comme de coutume, des zébrures et sonorités en marge. It’s Dark Inside, bien nommé, associe coup de lame des sons et rythmes épars. The Collective est un must, absolu. Psychedelic Orgasm, tube de l’underground, alterne décharges sombres et moments de « clarté » trappées. Les guitares guettent, dures comme du silex. Tree House, fantomatique d’abord, largue ensuite des torpilles soniques psychotropes. Largement au dessus du lot, Kim Gordon se surpasse après un No Home Record déjà captivant, il y a plus de quatre ans.
Shelf Warmer, de vocaux pensifs, se sépare du bruit, partiellement. Il ouvre une autre issue, plus « posée » quoique délibérément perchée. Génialement oppressant, The Collective illustre le monde, sa folie grandissante. Le vacarme de The Believers, remuant, aux motifs sonores brefs mais d’un bel apport, va en ce sens. Ce disque m’accompagne, il en va de même pour bien d’autres que moi. Kim Gordon se joue des normes, des schémas connus donc sans vie. Dream Dollar, post-punk dans la vitesse, dans un galop noisy sans appel qui n’est pas sans évoquer Sonic Youth mais à la sauce The Collective, trace avant de breaker sur des airs noise-rap bien sentis. Réussite totale, mandale expérimentale inégalable, The Collective est une drogue sonore aux nombreux effets positifs pour notre soif de contenu singulier.