Lila Ehjä vient de Paris, elle évolue dans les sphères cold. Shoegaze ou encore indus viennent teinter ses travaux. yö, sorti en juin 2021, la voyait déjà séduire dans le dark. Auparavant quelques covers bien à elle et de choix (Bauhaus, Mark Lanegan, Bikini Kill) l’avaient mise en évidence, après qu’elle se soit rodée 10 ans en tant que bassiste du groupe Rance (black métal) notamment. Avec ce Clivota, guitare et looper l’amènent à développer neuf trames tantôt lancinantes (l’inaugural intro vague, doté d’un climat rêveur), tantôt alertes (le premier volet de l’ensemble). L’amorce, d’emblée, pose les jalons d’une identité certaine. Dans la foulée The Book, sur tapis cold appuyé et voix mi-sensuelle/mi-mutine, alors que les guitares se vicent et se vissent, valide ses aptitudes. Me vient en tête, à ce moment précis, le Jessica 93 de Geoffroy Laporte. L’éponyme Clivota, saccadé, un brin goth, retiendra lui aussi le quidam. L’univers est sombre, la « froide wave » de ce one-girl-band autonome fait assurément mouche.
La pochette, signée Marie Mauve, ne fait qu’accroître son attrait. Les déflagrations de Ghost Love, au tempo rapide, grandissent encore l’ouvrage. Autoproduit, éprouvé sur les planches, Clivota a tout d’un grand. Ruse, au ralenti atmosphérique, se pare de guitares qui en allument le brasier. Sur sept minutes, il alterne les abords. Ici tout est bien fait, dans le bridé passé au soufre comme dans le rythmé sans trop de freins. Trigger, lancinant, rugueux, monte en puissance sans perdre de ses contours spatiaux. Lila Ehjä possède, on l’entend, des vertus qu’on ne peut lui contester. Worship, qu’on adorera, sature et suture. A vif, il marie boucan délice et trouée noisy bien noire.
Ensuite Noyades, d’un shoegaze millésimé, en vagues de boite à rythmes récurrentes alors que le chant vire dreamy, fait son effet. On y plonge. La Dame a du style, une vision, qui la créditent de bout en bout. Oudrone, chargé de conclure, livre un drone aussi céleste qu’ abyssal, psychotrope, dont la teneur étend encore le champ d’investigation de l’artiste. Son Clivota obscurément attractif, à l’intitulé de source étrange, niché en un point indéterminé entre Slovaquie et Roumanie, la dotant d’une série entièrement accomplie.