Après La Battue, mitan 2020, Les Marquises étendent encore leur champ sonore, leurs climats pétrifiants, avec Soleils noirs. Aventureux comme à son habitude, Jean-Sébastien Nouveau élabore avec Agathe Max (violon et alto) deux instrumentaux ambient aux variations indicibles, grises et majestueuses. L’Etreinte de l’Aurore (Face A) ouvre le rideau, s’étirant comme si son sommeil persistait. De motifs sans fin, répétés au point de s’insinuer, il impose une magnifique léthargie. Sur près de vingt minutes, il greffe beauté et peur latente, dans une nuit qui n’en finit plus. Des bruits dérangeants, captivants, le décorent et le remuent. Puis il retombe, laissant l’auditeur pantois.
La deuxième gravure, intitulée Le Sommeil du Berger (Face B), démarre plus « bruyamment ». On retrouve, avec plaisir, les sons vrillés et les trames faussement assoupies caractéristiques du disque. Des passages « rythmés » parsèment le morceau, magique lui aussi, qui bien entendu ne se livre qu’au terme de passages persistants. Surgissent des bribes de…voix? Je ne sais, toujours est-il que le rendu fait son effet. Il transporte, déroute, emmène ailleurs et tu sais n’y jamais être allé. On a de plus droit à un bonus chanté, L’Ailleurs (Digital), aux textes titrés d’une belle plume. Bref en comparaison des autres pièces, il sert de filet à la redescente et dépose dans nos lobes un miel sonore troublé, sorti chez Les Disques Normal mais bien loin de se soumettre à toute forme de norme.
Photos Martin Duru