C’est après les 2 jolis shows de l’ami Adam, éternel Mutant, que nous pûmes aller nous abreuver à la source sonore voisine, où étaient conviés les locaux de Rainville, chargés d’ouvrir, et Ellah A.Thaun qui à l’Ouvre-Boite de Beauvais, déjà et récemment, avait en ouverture des Psychotic Monks grandement assuré. Mais place d’abord à Delphine Barthélémy et Hadrien Langue, duo et projet nouveau, dépositaire d’une pop baroque, ici de chambre, là-bas espiègle, souvent délicate, englobante bien qu’assez prudente. Enfin, pour moi. Il n’empêche que ça charme, cette…Ville de Pluie? C’est féérique, d’une rêverie aussi trouble que sécure. Ce n’est que le deuxième set de la paire, elle est donc perfectible mais on entend déjà, à l’égrenage de ses morceaux, poindre une identité. Rainville, élégamment obscur, ne demande qu’à cheminer et volontiers, nous lui emboiterons le pas.
Rainville
A l’issue de cette prometteuse ouverture Ellah A.Thaun donc, soit la clique menée par Nathanaëlle-Eléonore Hauguel, foule les planches. Un déluge s’abat où s’ébattent noise, shoegaze, indus, grunge et je ne sais quoi d’autre encore, sans pareil ni concurrent reconnu. Tapageur, de sentiers parfois sinueux, le quatuor rouennais assourdit l’AF. Se succèdent, impeccables, les titres imparables qui te tombent sur le râble. Des mélodies surgissent, le calme se fait et c’est superbe (Pisces Moon Neuromantics), souillé avec toute l’expérience de musiciens auxquels on ne la fait pas. Ca plante les dents, la guitare vire à l’hurlant. La batterie est tout-terrain, la rythmique de toute façon chaloupe et se soumet aux assauts, nourris. Ellah A.Thaun, loin d’être atone, déchaine la salle. Noisy, il aime aussi rêver, s’étoiler, errer, puis lacérer à sa manière, avec ses propres lanières. C’est un groupe unique, dans le son comme dans l’approche. On s’en sent proche, avec lui on flotte, on s’espace avant de retoucher terre dans l’abrupt le plus percutant qui soit. C’est l’ Arcane Majeur Deux, chers amis, joué pour nous et pétri de soubresauts.
Ellah A.Thaun
Prolifique sur disque, généreux sur scène, Ellah A.Thaun détonne. Mi-hommes/mi-femmes, il crée par ce biais un équilibre rude, sur un fil, aux mélopées cerclées de rage. Il n’a pas fini d’explorer, de déconstruire, de changer de braquet, d’ouvrir un champ qu’on pourrait croire sans fin. Il nous privilégie, visiblement heureux de son effet. Il le peut, c’est l’un de nos fleurons. Télépathine, tel un APTBS, bazarde une sorte de kraut aux fulgurances démentes. Ellah A.Thaun, c’est le cousu-main d’une mouvance en perpétuelle évolution. Ses convulsions libèrent, ses trouées lumineuses montrent la voie, ses cascades de drums ratatinent et ses synths brodent des étoffes ajustées, au service d’un ensemble immensément personnel. Chacun d’entre nous, ici, en prend pour son grade et personne ne reste en rade, pris dans les ressacs de Normands qui décidément, partout où ils passent, fissurent les murs et raflent la mise sans crier gare, mus par une force collective qui en fait un inratable de nos paysages sonores proches et éloignés.
Ellah A.Thaun
Photos Will Dum