Ca débute par un échange, prolongé, avec Ozibut. Zik de niche, état des SMAC, Young Gods et autres sujets alimentent la discussion, calés dans le canapé. Le temps parait moins long, à l’entrée Erwan de KaTze assure le recueil des deniers. Picon-bière en main je patiente, avant que celui-ci n’entre en scène avec sa compagne pour, dans une décharge de synth-pop décalée, ravir l’assistance et instaurer l’incartade sonore -et verbale- du soir. Ce mec fait tout bien, avec moults projets dont aucun ne concède quoique ce soit à la norme. C’est sur des tons enlevés que l’ouverture se fait, les quelques soucis techniques rencontrés n’entamant en rien l’impact. On dépayse avec l’Allemand, on claque des airs au synthés aériens, plus loin on boularde comme un attaquant de la Mannschaft. Pantalon défroque, les chants se mêlent et les rafales de faux drums finissent de plier l’affaire. Complices, les deux de Brest déploient un arsenal de choix, déraisonnable, après qu’un gaillard aux crayons gras ait brâmé son mal-être. A l’écoute de KaTze il se remet à jubiler, doigt levé, dansant, deux godets à ses pieds. Katze fait son effet, mon NouMinouMinet, toi-même tu sais.
Katze
C’est alors Coltar, où Usé et sa copine de scène ouvrent de concert des brèches soniques noise-indus presque incantées, qui pend possession de l’espace scénique. Je réoriente les deux projos au sol, histoire de faire lumière donc contrepoint. Coltar, soit Nicolas Belvalette (USÉ donc) & Lintang Ratuwulandari (Dégouline), défriche d’autres terres. Ses bruits, répétés, font dans la furie. Son propos est noir, possédé, désabusé. Assourdissant, comme pour taire son époque. La réduire au silence, en tuer la portée. L’amienois malmène sa guitare, en tire des sons abrasifs. En robe de couleur, Coltar lance des grenades. Le son est puissant, compact, il s’aère parfois mais conserve sa grisaille. On est là, une fois de plus, dans une sphère de niche. Ca purge, les voix s’allient à l’occasion comme chez KaTze. C’est éprouvant, dépaysant, défricheur et quelque part exotique. On est bien, ici, au son de ces formations à la marge et nourries par la rage, l’inspiration sans glissières.
Coltar
On est bien oui, et l’Ozibut de service va de son show cabaresque à l’électro-pop virevoltante, pour la troisième fois en ces lieux, grimé, clôturer avec prestance et fantaisie. Il a le mot, met ses maux à distance, le public bien plus proche. Ca pulse, le répertoire amène à des danses sans fin ni faim. Ses boucles font sensation, son chant se passe de genre. Ozibut est théâtral, déviant, seul maître à bord d’un esquif en libre flottaison. Les trémoussements de ses convertis expriment, à l’évidence, une adhésion totale. Avec trois fois rien, ses idées et sa posture sans posture, Ozibut « de Châteaubriant » délivre un show dément. Qu’il revienne quand il veut, la partie est gagnée. Ozibut touche au but. C’est ce type de projet, dédaigneux du tout tracé, qu’il importe d’honorer. A l’heure du prémâché, ces artistes-là remettent du sens dans la (contre) culture. Du contre-sens aussi parce dans leur sillage, c’est le fade et le sans âme qu’on envoie valser. Il est tard ce soir, mais jamais trop en réalité pour faire vivre un vivier de musiciens bien trop précieux pour qu’on le laisse sans voie, ou voix, ni moyens.
Ozibut