Projet drivé par Charles Hayward (This Heat, Camberwell Now), associé sous cette bannière à de jeunes musiciens dont la française Agathe Max (viola), Abstract Concrete joue un rock fiévreux, décoré de touches jazz déviantes. Il y met du style, une adresse certaine dans le jeu, et nous concocte un six titres éponyme parfaitement conçu. L’expérimental Almost Touch l’ouvre, à la fois sombre et grâcieux. La voix est racée mais de caractère, l’enrobage qualitatif. D’instants posés, on passe à un doux mais affirmé tumulte. Bien entouré, Hayward réalise des prouesses. Le morceau brake, finaud, joué avec maîtrise. Sur sept minutes les humeurs varient, se troublent, s’irritent, sans que l’attention retombe. Débuts réussis, que ponctue This Echo et sa basse en relief. Abords de classe, une fois de plus, à mettre à l’actif des londoniens. Les voix se mêlent, Sad Bogbrush offre ensuite une amorce jazzy notable.
Un peu plus loin le titre en question, après avoir tranquillement louvoyé, poste un terme noisy en diable, aux guitares sauvages .Abstract Concrete, pour le coup, m’évoque le Radiohead des premiers opus. Ventriloquist/Dummy, alerte, post-punk sur chant vindicatif, orné comme le reste de clins d’oeil jazz autant qu’éraillés, fait lui aussi ses preuves. Les vocaux se font aigus, l’issue est tout bonnement magistrale. L’élan se brise, pour délivrer une salve apaisée et de bon aloi. Ensuite, on reprend un peu plus vivement. On nage, ici, au dessus du lot.
The Day The Earth Stood Still (Including Happy Village, slowly slowly slowly, FAST FORWARD/FREEZE FRAME), de durée étendue puisqu’il flirte avec les quinze minutes, instaure une voix rauque. On le sent retenu, il est à l’image du reste splendide. Il est psyché, dans l’errance sonore passé sa moitié. Son rythme accélère et se syncope également, dans une phase hallucinatoire des plus marquante qui puisse être. Le disque, s’il n’inclut « que » six titres, les pousse tous au sommet. Tomorrow’s World, le dernier, souffle de longues minutes de groove dépaysant, vif, s’intensifiant au fil des minutes. L’impact est de taille, il va soi qu’on rangera l’ouvrage dans le rayon des sorties à prendre en compte d’une fin d’année pourtant truffée de parutions.