L’auteur Diego Gil et le dessinateur Johann Guyot ont sorti fin août le BD reportage Something To Hide: Exploration des messages cachés du rock chez les Editions Du Blouson Noir. Ils seront demain, vendredi 10 novembre 2023, en rencontre chez le disquaire bordelais Total Heaven (6 rue de Candale) et ont répondu à quelques questions pour nous présenter ce Something To Hide qui mêle textes et illustrations.
Muzzart (Joseffeen): Diego, après tes livres Bordeaux Destination Rock et L’histoire des sixties en 60 chansons, comment est venue l’idée de consacrer un ouvrage aux messages cachés du rock?
Diego: Curieusement, l’idée de Something to Hide est venue en premier. Je l’ai laissée de côté. Mais je n’aime pas laisser un écrit ou une idée dans un tiroir, ça doit sortir tôt ou tard. J’explique d’ailleurs cette naissance dans le livre. Depuis l’adolescence, l’idée a germé en moi après la découverte d’une chanson cachée dans Dookie de Green Day. La trouvaille semblait improbable, mais depuis ce moment-là, chaque album a déclenché une quête de pistes cachées. En tout cas si on pouvait cacher une chanson à la fin d’un disque, on pouvait cacher autrement un message…C’est fascinant comment une expérience peut influencer notre façon d’apprécier la musique, non?
L’idée s’est par la suite consolidée après avoir écouté de nombreux disques et autant de récits. Je me souviens d’une carte laissée secrètement derrière le cache noir qui retient le CD dans l’album Pinkerton de Weezer. J’ai toujours été intrigué par le double sens des paroles.
A bien y réfléchir, c’est comme une sorte d’autobiographie musicale autour de mes trouvailles que j’ai bâti ces dernières années. Au-delà de cette approche personnelle, j’apprécie également que mon idée puisse aboutir à une explication de notre monde. C’est probablement comme côté historien qui parle ici. Un message caché, même le plus anecdotique, peut raconter la volonté de contourner une censure ou le cadre moral d’une société. Il fallait donc tourner autour de ces différentes approches et de donner du sens. Oui, on a une idée mais sa concrétisation peut mettre du temps!
Muzzart: Comment est née votre collaboration et comment avez vous travaillé sur ce Something To hide qui est sorti chez Blouson Noir?
Johann: J’ai rencontré Diego par le biais d’un ami directeur de médiathèque qui avait fait une rencontre autour de son livre « Bordeaux, destination rock ». Ce dernier lui avait montré mon dernier livre Welcome to Hellfest, carnet de bord du Hellfest et Diego m’a contacté.
Diego: Oui, le projet a pris forme à travers un dialogue entre mes textes et les illustrations de Johann. Bien qu’il ait parfois ponctué mes propos, Johann a également souhaité partager ses propres expériences. L’écriture du livre a pris plus de 2 ou 3 ans. Nous avions un cap clair avec quelques façons pour dissimuler les messages, et l’idée a émergé de donner à chaque chapitre, donc à chaque méthode, le titre d’une chanson. Les paroles des chansons/chapitres sont également utilisées comme sous-parties, apportant une dynamique à l’ensemble. On a l’impression que la chanson nous accompagne tout au long de la lecture.
Muzzart: Vous présentez dans le livre les diverses techniques utilisées par les groupes pour faire passer des messages dans leur musique (des ghost tracks aux messages dans les clips/visuels ou le backmasking), quelle est celle qui vous parle le plus?
Diego: Instinctivement, je mets en avant notre premier chapitre, Sympathy for the Devil (chanson qui renvoie inévitablement aux Rolling Stones). À travers une utilisation subtile de la thématique satanique, la chanson pourrait servir de bande originale captivante pour la mythologie du backmasking ou piste à l’envers. Bien que cette méthode puisse sembler, à première vue, amusante voire originale, pour certains détracteurs, elle représente le langage du Mal. Cette partie retrace tout l’histoire de la méthode, depuis la découverte de Beatles, tout en évoquant sa légende noire. Il est souvent question de mort et d’appel de Satan…j’aime voir cette partie avec un regard décalé et amusé, les illustrations de Johann y contribuent également. Quelques exemples sont pour moi emblématique : la supposée mort de Paul McCartney, le procès de Judas Priest…
J’aime beaucoup les messages cachés dans les pochettes d’album. Je vous conseille de regarder plus attentivement l’album Blackstar de Bowie (version vinyle) qui a première vue est très simpliste…je vous laisse découvrir la suite.
Une autre méthode m’a souvent intrigué : dans cet exemple, les Flaming Lips se dirigent vers une ambiance clairement ambivalente, jouant avec des perspectives inversées dans l’album Zaireeka. Inspirés par la musique concrète, ces musiciens américains présentent une œuvre divisée en quatre albums de huit pistes chacun. Pour pleinement apprécier cette création, il est nécessaire d’écouter les disques simultanément. Cependant, l’expérience peut également se vivre de manière synchronisée ou séparée, et ce, peu importe le matériel utilisé.
Johann: Le backmasking me semble également le plus intéressant pour les possibilités musicales qu’il offre. Un instrument ou une voix passé à l’envers donne une atmosphère très étrange (très présent sur l’album Only Theatre Of Pain de Christian Death par exemple). Quant au message, c’est à la fois ridicule et génial.
Muzzart: Vous avez tous les deux une culture définitivement rock. Quels sont les albums récents que vous appréciez tout particulièrement?
Diego: Melenas, mon groupe préféré, avec Ahora. Elles délaissent légèrement le rock pour des propositions plus risquées où le synthé prend un peu plus de place. Les écouter, c’est toujours un vent de fraicheur. Je conseille particulièrement le titre 1986.
Don Idiot, j’adore ce mec, il si touchant avec des chansons « à fleur de peau ». Je conseille son dernier album, Cent détours bien que je préfère son album précèdent. La magie opère toujours avec moi. Son côté naïf devient progressivement des lames dans ses récits grinçants.
Julie Gil va sortir son prochain EP début 2024. Et je ne le mentionne pas simplement parce que c’est ma sœur. Nous avons besoin d’artistes qui s’autorisent à être poétiques tout en ayant un regard clair et frontal avec notre monde. Elle a collaboré avec un musicien que j’apprécie particulièrement, Remi Rossi (Ciadel). Récemment, elle a lancé son single « Géant », et j’adore le clip réalisé par mon frère Adrien Gil. Oui, c’est une affaire de famille. Dans ce projet, nous évoluons davantage dans un univers pop et électro.
Johann: Je dois avouer ne pas trop m’intéresser à l’actualité, j’ai encore tellement de groupes des 90′, 80′, 70′ à me procurer ou à découvrir. Mais j’ai adoré le dernier album de King Gizzard And The Lizard Wizard , Dragon. Un album orienté « thrash metal »(le groupe change régulièrement de style selon l’inspiration) mais avec une certaine personnalité bien délirante. Sinon le disque le plus récent que j’ai acheté est The Long Defe at de Deathspell Omega.
Muzzart: Quels sont vos projets pour la suite ?
Diego: Actuellement, je finalise chez un autre éditeur un livre autour des Beach boys.
J’ai commencé un livre sur Bowie et ceux qui me connaitront vont certainement penser qu’il était temps que j’écrive sur lui.
J’ai quelques idées bien avancées sur un roman…il faudra trouver un éditeur. Je lance une bouée à la mer.
Johann: Une bande dessinée avec un scénariste (Samuel Stento) dont les premiers épisodes sont prépubliés dans le mensuel Fluide Glacial. Et sur long terme des carnets de concerts (comme j’ai pu faire avec ma série Welcome to Hellfest avec Sofie Von kKelen) avec un ami amateur de jazz. Nous mêlerons jazz et metal.
Muzzart quizz:
Muzzart: Quel est votre Beatles préféré?
Diego: George Harrison, en retrait mais toujours avec de bonnes idées.
Johann: Si on parle d’albums des Beatles, Abbey road. D’abord par nostalgie, c’est l’album des Beatles que j’ai toujours entendu chez ma mère, chez mon père…et pour son expérimentation, son étrangeté ; je trouve des titres comme « Because » très sombre, très envoutant… mon titre préféré est « I Want You(she’s so heavy) ».
Muzzart: Quel est le meilleur concert que vous avez pu voir?
Diego: Pinback, l’année m’échappe. Un instant suspendu. Pendant la chanson « Tripoli », mon esprit n’était plus là.
Johann: Il y a eu Morbid Angel en 2005 avec le retour du leader « David Vincent »,mais le plus marquant a été Mayhem en 2007 à Toulouse alors que paradoxalement ce n’était pas très bon : trop punk, son faible ….mais c’était en petite salle et j’étais ultra impressionné de les voir pour la première fois ; j’étais fan absolu et j’avais le cœur qui palpitait quand ils sont entrés sur scène a 1 mètre de moi. J’ai vu des concerts bien meilleurs depuis, notamment au Hellfest ,mais comme il y a tout ce qu’il est possible de voir en metal/rock, ça désacralise un peu. Citons tout de même: Venom, Obituary, Pentagram, Judas Priest, St Vitus, Discharge….
Muzzart: Quel est le tout premier album que vous ayez acheté enfant/ado ?
Diego: Chez moi c’est une trilogie. Pour accompagner le poste que j’avais tant demandé à Noel, j’ai eu droit à Dangerous de Michael Jackson, Innuendo de Queen et le Best of de David Bowie. J’étais un peu déçu car j’attendais un album de Jean-Michel jarre et autre de Prince…ne vous inquiétez pas, l’erreur a été rattrapée en peu de temps.
Johann: Iron Maiden- Piece of mind quand j’avais 14 ans. Je n’avais à l’époque aucune culture musicale, mais j’avais entendu un titre du groupe et ça avait été une décharge électrique. On était en 1998, et à l’époque écouter du heavy metal à mon âge était extrêmement ringard. Je n ‘en avais pas conscience et j’ai continué dans cette voie…ça fait 25 ans.