Le duo Lovataraxx, désormais lyonnais, évoque avec Will Dum une actu chargée et des histoires de vie captivantes, dans la foulée d’un clip « psychiatrique » et en prélude à un opus à sortir au printemps 2024…
1. Pour débuter comment se sent Lovataraxx, après ces quelques années d’existence et d’activité?
On va très bien, juste un petit rhume de saison! On est toujours pas mal sur les routes, on t’écrit d’ailleurs de Slovénie où on joue ce jeudi soir justement. On continue à créer des morceaux avec énormément de plaisir, faire des concerts, à deux ou à trois, avec notre VJ Tanguy Guezo et ses téléviseurs ensorcelés, qui nous accompagnent de plus en plus souvent sur la route, et même avec notre ingé son Adrien Lambert qui nous a suivis récemment aux USA, pour une tournée.
2. Vous êtes désormais installés à Lyon, que vous apportent ces nouvelles bases ?
Oui, on vit à Lyon depuis 3 ans, une ville pleine de ressacs musicaux. On la connait bien, puisqu’on y a fait nos études. Certaines de nos bases affectives viennent de là et Lyon a toujours été un de nos ports d’attache. On s’est très vite ancré au maelstrom lyonnais : il y a des concerts et des spectacles tous les soirs, de tous les genres. C’est agréable de pouvoir rencontrer facilement de nouvelles personnes, monter des projets…
3. Votre actu se ponctue entre autres d’un clip « psychiatrique », relatif au morceau Medicine, tourné dans un HP justement et qui en tant que travailleur social, me touche particulièrement. Comment en êtes-vous arrivés à cette expérience que j’imagine marquante à plus d’un titre ? Quels constats tirez-vous, au sortir de votre séjour, s’agissant de ce milieu si « appauvri » en termes de moyens alloués et de personnel mis à disposition ?
Le clip de Medicine a été tourné à l’ Aquila, une ville des Abruzzes entourée de montagnes, et partiellement détruite suite à un tremblement de terre en 2009, qui a fait plus de 300 morts. Quand on y est allé une première fois pour jouer en 2019, il restait encore de nombreux décombres en plein centre de la ville, et aussi dans le parc hospitalier où on était accueilli pour un concert, au centre social autogéré Casematte. Le collectif qui organise des soirées et vient en aide aux malades sans ressources s’appelle « 3e32 » : il s’agit de l’heure à laquelle a eu lieu le tremblement de terre. De nombreuses personnes qui avaient besoin de soins et suivis psychiatriques ont été laissées à l’abandon après le tremblement de terre.
En parcourant la ville, on voyait très clairement où se situaient les priorités en termes de reconstruction : ni les hôpitaux, ni les écoles et facultés ne bénéficiaient de fonds publics suffisants pour être reconstruits, à l’inverse d’autres bâtiments. Suite au tremblement de terre, 70 000 personnes se sont retrouvées sans domicile fixe. 10 ans après, il y avait encore 7000 personnes logées de façon précaire, dans des sortes de préfabriqués rudimentaires. Une grande partie des aides européennes attribuées à la reconstruction et aux aides des sans-abris a été apparemment détournée. Le collectif 3e32 est composé, entre autres, de personnes ressources, qui ont des compétences dans les domaines médicaux et viennent bénévolement en aide aux malades isolés. Ça nous a beaucoup touchés; on était en train de terminer l’album Hébéphrénie, qui traite beaucoup de l’exclusion des personnes jugées « malades » par une société qui se croit « saine » : « Subjugué« , « Medicine » et « Hellébore » parlent explicitement de maladies, « Craving » suggère le manque, « Sidewalk » aborde les questions de logement…
Tous ces maux de la société étaient malheureusement réunis à l’ Aquila, qui a côté de ça est une ville magnifique. On a décidé de revenir un an plus tard, pour tourner le clip de Medicine dans une partie de l’hôpital. Les travaux de rénovation commençaient tout juste. On avait d’ailleurs un peu peur de se faire éjecter par les quelques ouvriers présents, mais au contraire ils ont été plutôt bienveillants ! Ils avaient l’air un peu intrigués par le tournage. Le lieu était encore rempli de tout un fouillis : matériel médical, mobiliers, médicaments usagés… on a même croisé un renard!
Pour en revenir à ta question, la situation à l’Aquila illustre parfaitement les coupes budgétaires et le manque de moyens dans le domaine de la santé, cela ne date pas d’hier. On regrette, en France, que certains centres hospitaliers soient managés comme des entreprises où tout est rationné, où l’on parle de rendement, de taux d’occupation des lits, où l’aspect humain des échanges entre patients et professionnels de santé est de plus en plus annihilé. Le bien être moral et mental des gens ne semble plus être la priorité.
4. J’apprends qu’en plus de ça un album est prévu pour avril 2024, à quoi peut-on/doit-on s’attendre en termes de contenu ? Comment oeuvrez vous à sa finalisation, de qui vous êtes vous entourés pour mener le « job » à son terme ?
Le prochain album s’inscrit dans la continuité du précédent tout en étant assez différent, surtout en termes de structures de morceaux et en termes de lexique. On a abordé de façon différente cette obsession pour les montagnes russes émotionnelles, les moments d’abattement, de résignation ou au contraire les moments d’euphorie et de lutte… On reste sensible à l’aspect mélodique, mais on a aussi pas mal travaillé la matière sonore, les sons d’ambiance : bruits de sirènes en tous genres, cris ou rires lointains, voix radiophoniques, autant de petites perturbations réalistes qui viennent nous troubler dans nos moments de rêverie etc. On est toujours très influencé par des sonorités 80 – 90, les claviers très Carpenter, les rythmiques un peu musclées, la minimal synthwave, le post-punk etc.
On a toujours envie d’écrire des titres dansants, mais avec si possible un peu de profondeur, des morceaux-fleuves et d’autres plus ramassés. On travaille encore avec Pierrick Monnereau qui produit l’album; c’est la moitié du duo Danse Machine Volume, un super projet. On a passé beaucoup de temps à Saint-Étienne pour enregistrer ce nouvel album, à essayer des synthétiseurs et des boites à rythme. Ce qui est bien avec Pierrick, c’est qu’à l’origine on n’a pas du tout les mêmes goûts musicaux! Je me souviens encore de cette prise de bec à propos de Jean-Sébastien Bach, ou quand il m’a affirmé que Nirvana n’avait pas apporté grand chose, et qu’Elliott Smith, c’était de la musique d’ascenseur ! On a bien rigolé dans l’ensemble. En général, on réécoute les morceaux sur plusieurs systèmes sons évidemment, puis je les envoie parfois à des amis pour leur demander des retours. L’album sortira sur un label allemand qu’on a rencontré récemment.
5. Avec le recul, quel regard portez-vous sur Hébéphrénie, sorti en février 2020 ? Et quand rééditez-vous votre superbe t-shirt « Lazareth tour » ? 🙂
C’est un album qui résonne encore beaucoup pour nous, qu’on écoute de temps en temps, avec plaisir. On joue encore quelques morceaux d’Hébéphrénie dans notre set et on les fait évoluer en live. On a toujours des images de clips pour certains morceaux, mais on va se consacrer évidemment au prochain album pour lequel une vidéo est en cours de montage.
Pour le t-shirt du Lazareth Tour, bientôt c’est promis ! On en refait régulièrement quand on repart en tournée. On a la chance d’avoir plusieurs amis graphistes avec lesquels on a bossé, dont Brulex pour la dernière tournée américaine, et Joël Blanc-Tailleur pour le Lazareth Tour. C’est toujours assez marrant de découvrir le travail de graphistes à partir de nos morceaux ou de textes.
6. J’ai eu la chance de vous voir à l’Accueil Froid d’Amiens, ma ville, en avril 2022, Superbe set !! Et de plus, pour la photo, lumières plutôt propices ! Vous souvenez-vous de cette date ? J’ai trouvé que le lieu, cold, obscur, décalé, vous seyait à merveille…
Bien sûr qu’on s’en souvient, c’était une date très spéciale ! Comme tous les passages à l’Accueil Froid, qu’on adore. On s’y sent un peu comme à la maison, et il y a beaucoup de personnes de l’Accueil Froid qu’on revoit dès qu’on peut quand elles sont de passage à Lyon.
7. Dans la perspective de l’album, et sans tournée prévue pour l’instant, à quoi s’adonne le duo Lovataraxx ?
On a des tournées prévues ! Quelques dates en France pour cette fin d’année, quelques dates aussi en Floride début Janvier, et d’autres qui vont s’ajouter (04-01 à Gainesville, Florida @Portal 4; 05-01 à Orlando @Panic Orlando; 06-01 à Miami @Hexed Miami). Sinon, on lit beaucoup, on regarde pas mal de films, on va à des concerts à Lyon, à des spectacles ou encore à des expos. On répète, on crée de nouveaux morceaux. On improvise aussi parfois. Bref, pas le temps de s’ennuyer !
Photos Will Dum
Dates actuelles:
26-10 : Ljubljana (Slovenia)@menza Pri Koritu / Earsplitter
27-10 : Munich ( Germany) Kafe Marat
10-11 : Lyon ( France) at GZ
16-12 : Valence ( France) Vacarme Exquis
04-01 : Gainesville ( USA, FL)
05-01 : Orlando ( USA, FL) Panic Underground
06-01 : Miami ( USA, FL) Hexed Miami: South Florida’s Goth/Industrial Scene