Surlignée au rose, la couleur de mes immanquables, la date de ce vendredi à l’Ouvre-Boite de Beauvais se voulait pour le moins prometteuse. Elle mettait en effet en lice, à mon sens, deux représentants plus qu’élevés de la caste indé abrasive, sans courbettes et possédée, qui ont pour nom Ellah A.Thaun et The Psychotic Monks. Route encombrée, certains se croient sur un circuit. Sandwich kefta à Froissy, rassasié. Me voilà fin prêt à encaisser, avec bonheur, les salves des deux invités. J’aperçois Rodolphe, à deux nous ferons les images. On bavarde, depuis le Minuit Avant la Nuit on ne s’est pas revus. Boulot, j’entends par là collègues « moyens », et lives vus alimentent les échanges. Ellah A.Taun s’installe, sur disque déjà j’avais approuvé et ce soir sur les planches, ça va envoyer du bois. Ou du steak, à votre guise. En tous les cas le répertoire, qui ratisse l’indépendant de sa facette noise à ses penchants pop en passant par le noisy, des montées abruptes ou plus tenues, fait son effet et même plus. Ellah A.Taun bruisse, parfois arrondit ses angles. C’est une valeur sûre, j’en suis certain.
ELLAH A. THAUN
ELLAH A. THAUN tonne et détonne, dans un unisson dopé à l’insoumission. Il ouvre avec brio, joue fort et intense. Aucune faille dans son registre, exclusivement constitué de solides pièces. Celles-ci se fissurent, laisse passer le boucan. Le quatuor est parfait. Sur sillons il est pléthore, en live il est très fort. A la hauteur de ses sorties, il embarque l’Ouvre-Boite. On retombe, alors que les Moines préparent leur espace. J’imagine un trip incandescent, il se situera au delà de ça. Après une amorce lancinante, déjà psychotrope, la clique tout sourire et en mimiques traduisant son implication, totale, aligne les élans percutants. Ce soir Psychotic Monks surpasse, encore, ses sets précédents. Enragé, communicatif, il démontre qu’à force d’albums magiques, de concerts transcendants et fulgurants, il est en quelque sorte devenu le maître. Ses rythmes chaloupent, se raidissent, se débrident. Ses guitares sont en feu, imaginatives. Ses voix s’allient, de tons divers. Sa recette, j’appuie sur ce point, est sans égal. Un florilège des deux derniers opus, musts absolus, galvanise la foule. Dans celle-ci des dames, en transe ou pas loin, créent de novelles danses. En visite au lycée Truffaut, l’après-midi même, les Monks sont à leur paroxysme.
Psychotic Monks
Psychotiques, il balisent Beauvais d’une banderille décisive. Ils dansent eux aussi, scandent, parcourent les genres pour façonner le leur. Ils pétrissent un rock sonique, orangé-rougeoyant, qui ne s’éteindra pas. Pour eux l’assistance, visiblement, s’est garnie. Alors ces jeunes talentueux, vertueux, respectueux, la retournent. Des accalmies hantées, comme venues de nulle part, du lointain, émaillent leur gig. Leur succèdent, en coup de tonnerre démentiels, tombé du ciel, une série de zébrures maison s’attaquant à notre raison. Psychotic Monks, d’une approche bien à lui, groove irrésistiblement. Il sourit, heureux, investit la foule, puis reprend sa houle. Il nous clashe, nous tourneboule. J’en oublie tout, je ne serai pas venu pour rien mais je le savais bien. D’avance je salivais, je n’escomptais toutefois pas un tel séisme. C’est dans l’extase sonore que je reprends la route, via Breteuil et son Proxy tard ouvert, à l’issue d’une venue en tous points marquante, impactante à tous niveaux et sauvagement rassérénante.
Psychotic Monks
Photos Will Dum