Affairé de partout, explorant et défrichant, Louis Jucker a récemment collaboré avec le Nouvel Ensemble Contemporain (NEC), après une commande d’écriture de ce dernier. Une fois les exigences posées, à savoir: avoir le droit de construire tous les instruments, être présent sur scène pour chanter les chansons avec le reste de l’orchestre, avoir les coudées franches pour réaliser un disque ou plusieurs sur cette base, et continuer le projet au-delà du cadre de la commande, le travail commun s’amorce et nous voilà avec ces sept morceaux immersifs, bricolés à partir d’une quinzaine d’instruments-valises « made in Jucker » Le rendu est indie-folk, lo-fi, sombre et raffiné. First count, bluesy, le lance joliment. Léger, répété, il s’immisce. Seasonable, sous-tendu, ombragé, suit avec la même accroche loufoque. Tordu, bancal jusqu’au génial, l’album diffère. Ses orchestrations flottent, partent en vrille, font dans le mystère.
C’est du Jucker, audacieux, jamais terre à terre, en volutes dérangées. My windy heart, enciélé, vaporeux, émerge sans hâte. Son chant est sensible, ses phases en équilibre incertain. A mi-route On their knees, dans le sonore peaufiné, se magnifie. Suitcase suite ne se livre qu’après écoute(s), investigation, et peut faire fuir de par sa quiétude récurrente bien qu’un tantinet tourmentée. Mais il retient, à l’écart d’un peu tout. Asylee, de format étendu, psyché, psychotrope, fantomatique, captive. Ses sons se grisent, dessinent des frises. Le chant, ici aussi, souffle le sincère. C’est par ses climats, ses textures a-normales, que l’opus séduit. Il hypnotise, exige l’attention et distille une douce tension.
The house we let them take, folk, dépecé, va à l’essentiel. Vainement, j’attends le bruit. March of the Fallen Scions, pour finir, met un brin d’emphase. Ses sonorités inquiètent, oscillent, tournoient. Ses rythmes bruissent, il percute la fausse tranquillité d’un ensemble étrangement attrayant. C’est dans cette option, moins posée que sur le reste, que je préfère ce Suitcase suite. Ici, en sa fin, il décolle et complètement, quitte les rails sans écorner sa joliesse. Il sort chez Hummus Records, ça ne fait qu’en garantir l’osé et le vrai que vos auditions, assurément, certifieront.