Dans le dédain du prévisible le lyonnais GROSSO GADGETTO, depuis bientôt 20 ans, s’affaire à tout défaire. A la croisée du hip-hop, de l’indus, des climats B.O. et de recoins dark bien inquiétants, il façonne son univers sans jamais le figer. De disque en disque, au gré d’une « disco » fournie, il surprend et captive. S’il faut en quelque sorte l’attraper, dompter son registre, ce dernier finit constamment par faire sensation. Avec TIMELESS, on se fait d’abord malmener, marcher dessus, par un hip-hop barré, lourd, leste et bruyant, que fait retentir CRUSHED MUZZLE. SABOTAGE enchaine, sur un format plus bref mais pas moins malsain. Et ça fait du bien. Les sons bavent, se répandent, le style ne se dit pas. 19H35 calme -relativement- le jeu, ses guitares saturent l’espace. A l’issue d’une amorce posée, il filtre des élans trippy et bien wild. Je le dirais dub, mais ne peux l’y restreindre. Il breake, céleste, avant de reprendre son obsessionnelle avancée.
WASH & SPIN, d’une électro frappadingue, indus et autres, valide, de GROSSO GADGETTO, l’éloignement. Eloignement de la norme, prise de distance avec le bienséant, avec le « taillé pour les masses ». THIS CONVERSATION MAKES NO SENSE, prétend le cinquième titre. Il n’empêche que ce débit dépaysant, ces bribes de voix rap, ces vagues de sonorités soudaines qui font leur effet, ne manquent pas de chien. Alors que TAKE TIME, aux attaques tournoyantes, noise et je ne sais quoi encore, pousse l’expérimentation plus loin encore. En fuyant les clans, les familles musicales, GROSSO GADGETTO gagne encore en identité. Son absence de vocaux, néanmoins, m’irrite quelque peu. LIFE BELOW prend des airs psyché, spatiaux, qui hypnotisent.
Quelques effluves plus loin AND AFTER THAT, noir, s’enfonce dans la nuit. NEVER MIND y reste, j’ai alors le sentiment que le Rhodanien se refuse à toute forme de luminosité dans le propos. L’époque, sûrement, lui laisse un goût amer. Il a trouvé le remède, intitulé TIMELESS. NEVER MIND vire dub, mais comme sous produit. La substance GROSSO GADGETTO, elle, est sonique. Ses élans parfois se brisent, dévoilant des contrées troubl(é)es. TRISTE FIN, au terme de l’obscure évasion que constitue l’opus, se saccade et se déploie avec paresse. Alors TIMELESS, au delà de toute catégorie, nous force presque à le réinvestir, histoire d’en extraire toute la teneur et de bien en saisir la conséquente portée.