A l’aube de la sortie d’un album avec le Nouvel Ensemble Contemporain, Louis Jucker déballe ses valise et nous narre un parcours un peu plus que fourni…
(Photo en titre : Prune Simon Vermot)
1. Tu es visiblement un inlassable, un perpétuel « chercheur ès sons ». D’où te vient cette soif d’explorer, d’expérimenter ? Est-ce prétexte, outre la création que ça génère, à la rencontre ?
Oui, disons que j’ai beaucoup de temps à y consacrer. Plus j’expérimente, plus je rencontre des gens, et plus je rencontre des gens, plus ça me donne des idées pour expérimenter, donc c’est un cercle sans fin. Mes albums solo sont toujours l’occasion de crystalliser une idée ou une manie autour de laquelle je tourne pendant un moment.
2. Quel a été l’élément déclencheur de tes débuts dans la musique ? A quoi te consacrais-tu, stylistiquement parlant, à ce moment ?
J’avais 5 ans et je me suis mis au violoncelle. Ma grand-maman m’a offert un Bontempi avec des rythmes préprogrammés que je pouvais écouter et bidouiller au casque. Et on avait un piano droit à la maison. J’écrivais mes propres trucs. Les cours de solfège, les partitions, les auditions de violoncelle, tout ça c’était mortellement chiant, scolaire et compétitif. Mais tout le reste, c’était mon petit plaisir secret. À un certain moment je me suis acheté une guitare et là, j’ai pu vraiment commencer à écrire des chansons, et les enregistrer sur des minidiscs. Puis jouer dans des groupes et rencontrer des gens. Maintenant, je fais plus que ça.
3. Tu as oeuvré avec le Nouvel Ensemble Contemporain, un album est d’ailleurs prévu à la rentrée. Que peux-tu nous dire de cet effort commun, quel fut son apport en ce qui te concerne? Vous y avez fait usage, entre autres, de valises. Est-ce à dire qu’on peut s’attendre, de ce fait, à un rendu plutôt « voyageur » ?
Suitcase Suite est un disque entièrement écrit et enregistré avec des instruments-valises que j’ai conçus. J’en ai construit une quinzaine. Je l’ai arrangé au contact des autres musicien-ne-s de l’ensemble: iels chantent sur le disque, jouent avec moi de certains instruments. C’est une super rencontre, et de très belles personnes. On a monté une sorte de concert-spectacle pour présenter cette musique. Stylistiquement, la musique, c’est la même que ce je fais d’habitude, mais avec des instruments-valises et 5 autres personnes qui jouent avec moi, donc c’est plus orchestral forcément.
4. Tu chantes aussi chez Coilguns, dans un registre punk-hardcore. Existe-t-il, selon toi une forme d’influence entre les divers projets sur lesquels tu es positionné ?
Le DIY prime, vu que tout ce que je fais est bien trop chelou pour intéresser des majors ou des « vrais » labels et agent.e.s. J’imagine que ça influence ensuite le son de la musique que je fais seul ou en groupe. Après oui, je chante dans un groupe punk hardcore et j’écris des chansons folk en solo. Bon, c’est pas non plus si bizarre que ça. Cette question revient tout le temps comme une sorte d’anomalie notoire. Pour moi, c’est comme si on s’étonnait qu’un pizzaiolo mange des fois autre chose que des pizzas.
5. Tu chanteur, auteur, musicien de théâtre ou de cinéma, producteur, bricoleur et curateur de manifestations. Comment parviens-tu à tout mener avec un tant soit peu de cohérence ? Là encore, existe t-il des « ponts » entre les différentes disciplines sur lesquelles tu t’affaires ?
J’ai le luxe de pouvoir être fait de plusieurs choses, j’apprends des choses au contact de pléthore d’artistes aux pratiques différentes et ça m’inspire pour mes trucs à moi. Après, la cohérence, elle est intrinsèque j’imagine, mais je m’en fiche un peu. Je ne suis pas une entreprise qui doit défendre un « branding » ou je sais pas quoi. Je fais les choses avec une certaine approche et une certaine envie et je pense que c’est déjà suffisant comme point commun.
Photo Pablo Fernandez.
6. Tu es, en plus de tout ça, cofondateur du label Humus Records. Quelle est la « touche » de cette structure, dans quelle mesure le DIY que visiblement tu promeuts s’y inscrit-il ?
Le DIY est inscrit profondément dans Humus parce que si Jona Nido et toute l’équipe ne se défonçaient pas 24h/24h pour sortir des disques qui ne rapportent même pas de quoi payer un loyer pour les stocker, ce label n’existerait pas. Si un jour on arrive à l’autosuffisance financière, ce sera déjà un exploit. Ça ne change rien au fait qu’on le fait parce qu’on est passionné.e.s et encore suffisamment taré.é.s pour y prendre plaisir et y croire. Et qu’on a pas trop d’autres alternatives non plus. C’est une magnifique expérience humaine, et un sacré bateau îvre. On se serre les coudes et on avance, ça nous sert à nous et à plein d’autres personnes.
7. Dans l’attente de la sortie du disque avec le Nouvel Ensemble Contemporain, quel est ton programme estival ?
Je fais des concerts en festivals avec Coilguns, et je prépare aussi une version « solo » du concert Suitcase Suite. Je m’attelle à jouer tout seul de la musique qui a été écrite pour 6 personnes. Parce que bien sûr, c’est pas toujours possible d’amener tout le monde au concert. Je vais panacher; une fois solo, une fois en orchestre… C’est sportif, mais intéressant. Il faut trouver des petits tours de magie. Et vite, parce que la tournée du disque commence début août, au festival Le Castrum en Suisse.