Dire que je l’attendais, cette venue des « Trepo » au 106 de Rouen, l’une de mes antres favorites, est un réel euphémisme. L’indus-métal teinté de groove des parisiens, depuis l’aube des 90’s, noircit délicieusement mon quotidien. Aggravation dans un premier temps, massif comme peut l’être Godflesh, puis le tout premier opus et ensuite les autres galettes, hybrides et à l’esprit ouvert, groovy, puissantes, ont jalonné mes jours et ont encore chez moi, très largement, l’honneur d’écoutes fréquentes. C’était ma quatrième fois, qu’elle se tienne au 106 m’enchante et c’est avec une joie mêlée d’excitation bridée que nous primes la route, à mes côtés trônant un ami fidèle, lui aussi, du clan mené par Marco Neves. Qu’importe le crachin, la pluie nourrie d’une Normandie que de toute manière, nous trouvons belle. A l’arrivée se dresse le 106, l’attente sera de plus brève et la sémillante Anne-Laure, au guichet, me délivre le pass. Elle fait partie, ici, des visages que j’aime à retrouver. Passage au bar, gobelet 106 en mains je trace vers Gonokox, locaux chargés de lancer la grand-messe du 76. Avant cela un coup d’oeil au merch de Treponem Pal m’amène à constater que c’est Amadou, ex-bassiste de la formation, qui se colle à la vente. Foutue belle surprise, est-il besoin de le préciser?
Gonokox.
Le noir se fait, ça débute. Issu des late 80’s, des early 90’s aussi, le combo de vétérans pour le moins aguerris vient de se reformer. Il délivre un punk-rock colérique, vitaminé, gorgé de choeurs virils. C’est frontal, ça détale, c’est également un peu trop basique pour que j’en tire entièrement profit. Qu’à cela ne tienne, le registre déboite et électrise le club. Up-tempo, les morceaux fleurent l’alterno français, le d’accord avec rien, le fâché avec tout le monde ou presque. Il est bon, notons-le bien, d’entendre les anciens blaster et envoyer sans sourciller, montrant la voie aux jeunots qui après deux bières se prennent déjà pour ce qu’ils ne seront jamais. Une dame dans un état limite, à ma gauche, couple approche et malséance. Poliment, je m’en éloigne. Le set se termine, si tu veux du rab’ c’est par ici l’ami! Nous décidons alors d’investir le stand Trepo. T-shirts acquis, Amadou nous propose de les garder bien au chaud, avec lui, le temps du set. Me reviennent en tête, à l’échange, ses lignes de basse sur Excess & overdrive.
Gonokox/Amadou Sall.
Pour l’heure ce sont les notes de The fall, pavé inaugural du petit dernier nommé Screamers, qui tirent le rideau. Mazette, quelle force! La pavé est opaque, dépaysant, traversé par des sons qui emmènent à, la manière d’un Killing Joke. Les guitares rugissent, il en sera ainsi plus d’une heure durant. Marco, au micro, en impose comme à la première heure. Badass Sound System suit, c’est là aussi un mitraillage de maestros de l’indus sans courbettes. Je l’entends, je le sais, j’en jouis soniquement: Treponem Pal, en cette fin de semaine, dégaine ses meilleures rengaines. J’échauffe ma nuque, un peu plus tard certains titres me verront même chantonner. Planet crash, façon Prong, nous déferle sur la trogne. La valeur des chansons depuis des lustres collectées, chez Trepo, fait de plus sensation. Screamers, histoire de confirmer un début inégalable, castagne une cadence folle. FULL POWER! Je valide; Too late et son amorce vaporeuse, ses plages dub aux riffs crus, s’ajoute à la fête. La nuance est trippante: le quintette, même plus modéré, produit un bel effet. Bien plus que ça même puisque Fighter, tiré de Rockers’ Vibes, explose à son tour. S’ensuit Pushing you too far, phénoménal d’intensité. Ses basses, lourdes, charnues. Son trip au mitan des genres, tout bonnement irrésistible. Mes premiers beuglements se font entendre, heureusement Trepo me couvre. Heureux je suis, dans ce 106 à la fière allure. Autour du leader, expérimentés, se distinguent de fidèles tirailleurs.
Treponem Pal.
Planet Claire, cover de bon goût -j’adore les B 52’s, leur folie, leur répertoire bien à eux-, me comble. Ses synthés délice, greffés au chant sauvage, impactent. Arrive In-out, choppé dans un « debut album » qui à l’époque fit sensation. Une dégelée syncopée, à l’image de ce Rest is a war plus noir qu’un ciel d’ hiver. Trepo ratisse large, pour notre plus grand bonheur. Crimson garden, enclume dans le club, guitares-silex en bandoulière, vocifère. Earthquake, sur riffs à nouveau aiguisés, ratatine la salle. Les morceaux s’ enchainent sans aucun temps mort et encore moins de creux. L’exceptionnel Panorama, d’un Higher à l’appellation justifiée, balourde un reggae-dub cuivré, enfumé, que les guitares percutent. Je suis aux anges. Renegade, sur lequel je m’époumone au point de faire sourire le cogneur en chef, parfait ma soirée. Un hymne. De félicité, je n’en puis plus. Il est pourtant l’heure, la foule crie sa liesse. Treponem Pal revient, Excess & overdrive agissant tel un rouleau compresseur.
Treponem Pal.
Godflesh, citais-je en début d’article. Dans ces tons-là, le premier rappel écrase l’assistance et toute forme de résistance. Le second et dernier, à savoir Funky town et ses vagues fonk-fusion à la dansabilité que le refrain renforce, termine magistralement. Je récupère mon étoffe, floquée No gods no masters, aux couleurs du groupe. Un check à Amadou, le bitume trempé nous attend. Au retour At Home, clin d’oeil au label des Trepo, je ne pourrai m’empêcher de publier malgré l’horaire tardif un petit cliché, me disant qu’il importe de souligner la portée du live. Plus de 30 ans après ses créations de départ Treponem Pal, plus vert que jamais, remonté à bloc, gorgé de sève et dépositaire d’une plein coffre de compositions mythiques, démontre qu’il est loin d’avoir rendu les armes.
Treponem Pal.
Photos Will Dum.