Finlandais, Likane Leppäne pratique un rap ténébreux, à la voix grave, sec et minimal, qui déblatère de manière nourrie. Prétendument influencé par la scène rap de Memphis, mais aussi jonché de bribes hardcore-punk et black metal, il s’éloigne des canons habituels. Sur Superlikane, son nouvel et troisième opus, bien peu de tout ça (en termes d’influences) et pourtant son débit, bien posé voire asséné, fait son effet. près l’éponyme et introductif Superlikane, bourru mais orné de motifs joueurs, Lobotomia fait parler son intitulé. Il brusque, agresse et se répète, comme malade. Ses voix délirent, en fièvre. Likane Leppäne a du style et impose le sien, sans complaisance. Son message est féministe, anti-capitaliste, en coup de poing sonore et verbal à la gueule de notre monde. Suksi vittuun feat. Laua Rip, sur ces mêmes tons exubérants, saccadé, se fait rafale et nous affale. C’est frontale, à voix multiples, que la tchatche prend vie. L’invitée, ici, s’en donne à coeur-joie. Et pourtant, c’est pas la joie. La colère s’entend, portée par des mots vrais. Un étayage spatial, soudain, englobe le rendu. Halkasen sun peruukin feat. MC Salamela, MC Väärät Paperit, Jolli, sur sept minutes massives et obscures, traversées elles aussi par des nappes célestes, plombe l’effort et de ce fait, le rend plus porteur encore. L’usage de la langue nordique, en outre, dépayse ostensiblement. Le combat se tient là, l’espace de sept plages à l’identité validée.
Plus loin Meikä Mäyne, sur claquements à nouveau secs, renoue avec une forme de pathologie chantée. A entendre, c’est plus que bon. Ca singularise le disque, qui bénéficie d’un contraire entre le rauque des voix et la « lumière » de certains gimmicks récurrents. Nul besoin d’en rajouter, le procédé est efficient. Likane Leppäne s’érige, conteste, dépose là une approche qu’il ne doit qu’à lui-même. Silimisä pimenee feat. C-Veri, Meining, dans l’ombre d’une étoffe souillée autant qu’aérienne, le clame: l’artiste se démarque, épaulé par de fiables conviés. Après assimilation Superlikane, digéré, pourrait ne plus nous quitter. Kytät on natsisikoja feat. Mora-Ali, dans la rancoeur, lui met sévèrement fin. Ses chants déversent, ce support à la lutte sort chez Solium Records. Il y trouve, sans doute aucun, toute la légitimité qu’il mérite, au sein d’une structure vouée tout comme lui à la différence musicale véhémente, fâchée avec un peu tout le monde ou presque.